Mise à jour 30/08/2024 : l’État décide l’abandon du projet ! >> En savoir +
Le projet
La CNR (Compagnie Nationale du Rhône) porte un projet de construction d’un nouvel aménagement hydroélectrique sur le Rhône, entre l’Isère et l’Ain.
Ce projet s’inscrit sur l’une des dernières zones naturelles du Rhône, là où le fleuve a conservé son plein débit dans son lit historique.
Le bon état écologique du fleuve n’est avéré que sur 20 % de son étendue. Aujourd’hui, sur les 545 km du linéaire du fleuve en France, seulement 25 km sont encore indemnes d’aménagements physiques, soit moins de 5 % !
Les associations LPO AuRA, FNE AuRA, Lo Parvi et l’association régionale de pêche estiment qu’il s’agit d’un mauvais projet, économiquement dispendieux et au rapport efficacité énergétique/impact environnemental catastrophique, alors que d’autres solutions existent.
Conformément à son engagement, la LPO est défavorable au développement d’énergies renouvelables générant des impacts négatifs importants pour la biodiversité. C’est le cas pour le barrage de Saint-Romain-de-Jalionas qui doit être implanté dans un espace à fort enjeu biodiversité.
Dans cette perspective hélas funeste, la LPO a tenu un stand lors de la journée du 30 septembre 2023 et a développé son argumentaire devant un public venu nombreux tout au long de cette journée. Les échanges avec notamment des habitants des communes avoisinantes mais aussi des militants engagés a permis de partager notre position.
En effet nous pensons, comme toutes les associations et les élus présents, que ce projet de barrage outre dispendieux par rapport au résultat obtenu, ne tient pas compte de l’accélération des changements climatiques (ou qu’il en tient compte a minima).
Il est possible d’obtenir de meilleurs résultats grâce à des solutions alternatives (solaire par exemple).
Considérer les enjeux climatiques
Il est essentiel de prendre en compte les changements climatiques en particulier concernant la production d’électricité hydroélectrique.
Par exemple : en 2022 dans la zone sud de la région PACA, à cause du déficit hydraulique, la production électrique des barrages a été réduite de 60 %. RTE (gestionnaire du réseau de transport d’électricité Français) reconnaît d’ailleurs dans une étude prospective de 2021 qu’en période de sécheresse (de plus en plus habituelles, notamment dans nos régions) la production hydraulique pourrait chuter de 65 % dans certaines régions.
De plus, le décalage des pluies et de la fonte de neige (sa raréfaction même) occasionne des modifications sur le remplissage des bassins et donc des modifications sur les lâchés d’eau et des conséquences sur la faune (faune aquatique, oiseaux, etc.).
Les marnages mais surtout les lâchés d’eau qui seront réalisés affecteront durablement les zones de nidification, les pontes seront détruites, les habitats (zones de graviers végétalisés) seront également affectés et risquent d’être colonisés par des espèces invasives mieux adaptées à ces nouveaux milieux.
Autre rappel, un barrage demande des tonnes d’acier, de ciment, béton, et le transport de ces matières.
On estime à 14 tonnes de matière première par Gwh produit.
Mais surtout, il impacte la dernière zone sauvage de ce fleuve Rhône hélas devenu un simple moyen de production (barrages, centrales nucléaires, industries chimiques, enrochement et bétonnage des berges, navigation, etc.).
À tel point que dans certains endroits, des associations tentent aujourd’hui de récréer des zones propices à la biodiversité ; réparer les erreurs du passé, bien que cela s’avère strictement inefficace.
Matériaux : des chiffres renversants
La CNR a estimé l‘empreinte carbone du projet à + 250.000 tonnes d’équivalent CO₂.
Le calcul englobe notamment le béton armé.
Selon les variantes prises en compte, les volumes de béton (structurel, parois moulées, béton de propreté) seraient de l’ordre de 165.000 m³.
Alors que représentent 165.000 m³ de béton armé ?
Ce sont environ 66.000 tonnes de ciment. La fabrication du ciment est impliquée dans 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
- 18.800 tonnes de sable.
- 160.800 tonnes de gravier.
- 49.500 tonnes d’acier.
- 32.175 m³ d’eau, soit l’équivalent de 13 piscines olympiques ou 32.175.000 litres.
Selon la CNR, le sable et les granulats seront extraits de carrières à proximité. Il semble difficile pour ces carrières de garantir la totalité des approvisionnements, sachant que divers projets sont en cours simultanément, tels que le projet d’échangeur autoroutier et la construction de deux réacteurs EPR au Bugey.
L’extraction mondiale de sable, dont les besoins sont colossaux, cause des dégâts irréversibles aux deltas de certains fleuves et occasionne aujourd’hui la destruction des fonds marins, avec notamment la disparition d’îles comme observé en Indonésie.
Sans oublier le transport des matériaux
Sachant que le poids maximum pouvant être transporté par les camions est de 44 tonnes, le transport de ces matériaux sur le site pour la fabrication du ciment nécessitera :
- Pour le ciment : 1500 camions
- Pour le sable : 2700 camions
- Pour le gravier : 3655 camions
- Pour l’acier : 1125 camions
Soit un total d’environ 8980 camions de 44 tonnes, et davantage si le transport est réalisé avec des camions de moindre capacité.
On mesure l’impact que cela aura pour les habitants, pour la biodiversité et les milieux.
Concernant l’eau, qui sera probablement prélevée dans le Rhône, cela représente 32.175.000 litres qui s’ajouteront aux divers besoins (refroidissement de la centrale du Bugey, agriculture, industrie, etc.) et qui ne peuvent faire abstraction des aléas climatiques.
Ces données mettent en lumière une fois de plus les impacts considérables que va engendrer le projet Rhônergia sur l’environnement, sur les habitants, sur la biodiversité et les écosystèmes.
Plutôt que d’imposer une domination sur le vivant, nous préconisons une vision conciliante et respectueuse qui s’entreprend avec le fleuve et ses composantes.
Une biodiversité déjà fragile
N’oublions pas que la première cause de perte de la biodiversité est la destruction des habitats naturels.
La biodiversité est cruellement impactée : en métropole, on compte un obstacle tous les 4 km de cours d’eau selon OFB.
17 % des espèces de faune et de flore sont menacées ou éteintes en France, et leur risque d’extinction a augmenté de 14 % en moins de 10 ans : disparition de 24 % des oiseaux entre 1989 et 2021, de 36 % des oiseaux des milieux agricoles et de 43 % des espèces de chauves-souris entre 2006 et 2021. 66 % des papillons de jour ont disparu dans au moins un département (effondrement massif des populations d’insectes), etc.
Sur cette portion du Rhône, il existe des zones d’hivernage pour les oiseaux d’eau. 46 espèces hivernantes liées plus ou moins étroitement aux milieux aquatiques sont observées chaque année.
Les oiseaux nicheurs (142 espèces d’oiseaux observées) seront aussi affectés du fait de la destruction des berges et des ripisylves, zones particulièrement propices pour ces espèces.
Les oiseaux paludicoles composés d’espèces nichant dans les roselières (Rousserolle effarvatte, Rousserolle turdoïde, Nette rousse, Râle d’eau…) ne pourront plus trouver de lieux favorables à leur nidification en raison des contraintes de la gestion du fleuve par ce nouveau barrage ; foulques et anatidés étant très sensibles aux fluctuations des niveaux d’eau.
12 espèces d’amphibiens protégés sont signalées dans les données : Crapaud calamite, Alyte accoucheur, Crapaud commun ou épineux, Grenouille agile, rieuse, rousse, verte, Rainette verte, Salamandre tachetée, Sonneur à ventre jaune, Triton alpestre et palmé.
Des espèces avec des exigences variées pourront également subir les modifications causées par l’infrastructure en amont et en aval.
9 espèces de reptiles sont présentes dont 8 sont protégées. Elles auront également à subir les changements avec le risque d’installation d’espèces exotiques moins sensibles aux variations.
Enfin, les mammifères, castors et loutres, ont besoin de la continuité hydraulique afin de maintenir une population viable par le brassage des populations, qui sera rendus encore plus difficile par la construction du barrage et les marnages d’eau.
La Loutre : une espèce emblématique qui dit NON !
La loutre d’Europe est un carnivore de la famille des mustélidés. Espèce des zones humides et des habitats aquatiques, elle a besoin de ressources alimentaires disponibles, a besoin aussi de pouvoir se déplacer et de disposer de gîtes.
La loutre est sensible aux dérangements humains. Sa densité est faible et ses besoins vitaux s’étendent jusqu’à 40 km de linéaire de rivière.
Les populations en Auvergne-Rhône-Alpes se concentrent en Ardèche, Loire et Drôme. L’espèce est assez bien documentée sur certaines portions du Rhône et sa présence est connue sur le linéaire du projet Rhônergia.
En Rhône-Alpes, l’espèce est signalée en danger critique d’extinction et elle bénéficie d’un plan national d’actions.
Elle est strictement protégée.
Une des menaces qui pèse sur les loutres, hormis les accidents routiers et l’empoisonnement aux PCB et aux métaux lourds, est l’installation de barrages qui met gravement à mal sa progression.
La chronique de la Loutre : les copains de la Loutre disent NON !
- Le Petit Gravelot
- Le Castor européen
- La Vipère Aspic
- Le Martin pêcheur
- Le Chevalier cul-blanc
- Le sol
- Les milieux aquatiques
Un regard différent sur le projet
Pour continuer notre sensibilisation sur le projet de barrage Rhônergia, Joël Allou, délégué territorial de la LPO de l’Ain, nous propose de porter un regard différent sur le projet, celui inspiré des connaissances du peuple Kogi.
L’engagement de la LPO AuRA
C’est pour toutes ces raisons que la LPO Auvergne Rhône-Alpes s’oppose à ce projet de barrage parce que des solutions alternatives existent et que nous considérons que sauver et protéger la dernière zone sauvage du Rhône, cette niche de biodiversité, est un devoir pour la vie.
Alors que la concertation préalable du projet Rhônergia s’est tenue jusqu’au 29 février 2024, il est encore important de nous mobiliser.
Si cette mobilisation vous intéresse et que vous désirez recevoir des informations, n’hésitez pas à nous en faire part : .
Le dimanche 24 mars 2024, la LPO AuRA était présente auprès des associations militant contre le projet Rhônergia pour une descente en kayak. Découvrez le récit de Joël Allou de la LPO ! Cliquez ici
Merci pour votre engagement et votre mobilisation à nos côtés.
Les discours de la LPO AuRA
- 5 décembre 2023 : Première réunion publique de concertation > Lire l’article de retour de la réunion / Télécharger le discours de la LPO AuRA
- 12 décembre 2023 : Propos liminaire « environnement paysager » > Télécharger le discours de la LPO AuRA
- 9 janvier 2024 : Propos liminaire « eau » > Télécharger le discours de la LPO AuRA
- 23 janvier 2024 : réunion publique de concertation > Télécharger le discours de la LPO AuRA
- 6 février 2024 : réunion publique de concertation > Télécharger le discours de la LPO AuRA