(Collectif d’associations environnementalistes : FNE Savoie, LPO Auvergne-Rhône-Alpes , WWF, Férus, Blairoudeurs Chambéry, AJAS, Vétérinaires Pour la Biodiversité…)
Un collectif Lynx-Loup a pris forme à Chambéry-Savoie
En mai 2024 s’est créé sous l’impulsion de FNE Savoie et de la LPO Auvergne-Rhône-Alpes un collectif Lynx-Loup regroupant différentes associations environnementalistes qui souhaitent sensibiliser le public à la question de la place du sauvage, et en particulier la place des grands carnivores dans notre société.
Premier principe de ce collectif : « Mieux connaître pour mieux protéger ». De ce principe découle la volonté très claire et affirmée de coopérer entre tous les acteurs (éleveurs, scientifiques, naturalistes…) afin de trouver des solutions au grand défi que pose le retour des prédateurs, en particulier le loup, face à la cohabitation avec l’élevage.
Retour du Loup en France
La recolonisation naturelle du loup en France en 1992 est un marqueur de santé de l’écosystème alpin : augmentation de la surface forestière, abondance de proies sauvages (cerf, chevreuil, chamois, mouflon…). Mais elle correspond aussi à la reprise des prédations sur les troupeaux, majoritairement ovins et caprins, mais également depuis quelques années bovins et équins. Bien que le régime alimentaire des loups soit majoritairement constitué d’espèces sauvages (analyses des selles l’attestant). Ces prédations provoquent désarroi et colère des éleveurs et bergers qu’il faut soutenir face à cette évolution.
De combien de loups parle-t-on ?
1000 à 1100 loups en France (pour comparaison : 3000 à 6000 loups en Italie), en baisse de 9 % entre 2023 et 2024. 90 % de l’effectif est sur la partie alpine française mais une dispersion est en cours sur le territoire national via la lignée historique Italo-alpine dans les Alpes. Depuis deux ans, on note une dispersion en France de quelques loups de lignée germano polonaise. Cinq individus ont été identifiés avec certitude (grâce aux analyses ADN). Ce qui est une bonne nouvelle du point de vue génétique. La population en Savoie s’élèverait à environ une centaine de loups.
Impacts divergents du Loup
Plusieurs études et observations de terrain suggèrent fortement le rôle positif des loups sur notre territoire :
- les proies sauvages potentielles des loups doivent s’adapter à leur présence en augmentant leur vigilance et en modifiant leur répartition spatiale sur le terrain. Cette meilleure répartition a pour effet de diminuer l’abroutissement des jeunes arbres.
- les loups participent à la diminution des dégâts des ongulés sauvages sur les cultures et en chassant ces proies sauvages, ils limitent la propagation de maladies dont elles peuvent être vectrices (encéphalite à tique, borréliose).
- le loup, comme tout grand carnivore, est un outil de développement de l’écotourisme.
En revanche, pour les éleveurs, les attaques sont notablement néfastes.
En 2024, en Savoie, 424 constats indemnisables ou en cours d’instruction sont recensés par la DREAL, avec un total de 890 victimes sur les troupeaux domestiques (contre 446 constats indemnisés en 2023 pour 1084 victimes). Ces chiffres indiquent une baisse de 18% des victimes entre 2024 et 2023 (baisse de 22% entre 2023 et 2022).
Source : https://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/protocole-dommages-a3854.html#H_Bilan-2024
Un bilan préfectoral de la prédation en Savoie, détaillé par espèces, indique que pour les bovins,on déplore 139 victimes en 2024 contre 126 en 2023.
Quelles solutions sont à notre portée ?
Il est important de souligner en préambule que plus il y aura de moyens accordés à la connaissance du comportement du loup, plus il sera possible de développer de nouvelles solutions de protection adaptées à ses réactions et à sa dispersion sur le territoire national.
A ce jour, des solutions ont d’ores et déjà fait leurs preuves dans les départements où des protections ont été mises en oeuvre. Néanmoins, pour que ces mesures soient efficaces, la problématique de la prédation doit être abordée de façon systémique, en prenant en compte l’ensemble du système pastoral : Troupeau, Moyens de protection, Prédation, Territoire et Facteur humain. Cela signifie une approche au cas par cas, avec la nécessité d’une analyse de vulnérabilité pour chaque troupeau en fonction du territoire et de la pression de prédation pour déterminer les moyens de protection à mettre en oeuvre. Cette approche scientifique et professionnelle de la gestion de la prédation sur les troupeaux s’appuie sur la coopération entre les différents acteurs et permet une réduction significative des dommages, tout en respectant le statut d’espèce protégée du loup.
De quels moyens de protection des troupeaux dispose-t-on et comment les améliorer ?
– Chiens de protection des troupeaux : c’est la mesure la plus efficace. Néanmoins, elle s’accompagne de plusieurs problématiques, notamment en lien avec le multi-usage du territoire pastoral (activités outdoors : randonneurs avec ou sans chiens domestiques, trail, VTT, etc.)
o Développer et améliorer la filière d’élevage des chiens de protection
o Favoriser les races et les techniques d’élevage (formations à l’éducation des chiens de protection)
o Sensibiliser les randonneurs et autres usagers à la pratique des loisirs en milieu pastoral (formations aux bonnes pratiques)
– Clôtures : faire évoluer les systèmes de clôture pour augmenter leur efficacité face au prédateur tout en tenant compte de la pénibilité du travail pour les mettre en place.
– Facteur humain : Renforcer les patrouilles humaines pour assurer une présence continue auprès des troupeaux.
– Tir létal : améliorer les tirs létaux pour tirer le « bon loup » au « bon moment », en tenant compte des importantes différences de comportement de prédation selon les meutes.
– Prédation sur les bovins : donner les moyens aux éleveurs de se protéger différemment en cas d’élevage bovin : chiens de protection, clôtures, évolution des pratiques d’allotement en maintenant des adultes parmi les lots de veaux et génisses (concept de la Force animale).
– Recherche et développement : soutenir des programmes scientifiques pour inventer et adapter de nouveaux moyens de protection (Ex : études en cours sur le tir non létal et autres mesures d’effarouchement), mais également vis-à-vis de la prédation sur les bovins et les équins, ou les nouvelles zones de colonisation, avec des environnements de plus en plus divers.
– Sensibilisation et formations : informer et donner les moyens aux éleveurs de protéger leurs troupeaux sur les fronts de colonisation, où les connaissances sur les modalités de prédation sont encore peu connues.
Réfléchir sereinement à la question des tirs
– Le tir létal est une des solutions préconisées par l’État à la demande des syndicats agricoles. Il est autorisé jusqu’à présent à hauteur de 19 % de la population totale des loups. En France, 209 tirs ont été permis en 2024 (source OFB). En Savoie, ce sont 26 loups tirés sur un effectif d’une centaine. Tout le monde s’accorde à dire que cela peut permettre à un éleveur dans un contexte donné de bénéficier d’un répit le temps de réajuster sa protection. Mais les quelques études scientifiques attestent que cette méthode n’est pas efficace sur le moyen et long termes. Elle ne permet pas de protéger les troupeaux (thèse O.Grente 2021 https://theses.fr/2021MONTG041). En effet, ces tirs peuvent entraîner un risque de déstructuration des meutes, avec une possible augmentation de la dispersion des jeunes. Ce qui peut provoquer une augmentation des dommages. Légaliser les tirs ne semble pas être une mesure à généraliser, or le changement de statut à la suite de la révision de la Convention de Berne en 2025 ne faisant plus du loup une espèce « strictement protégée », mais « protégée », risque d’entraîner plus facilement des tirs par les chasseurs, voire du braconnage.
– Le tir d’effarouchement traumatique, en revanche, pourrait être une solution d’avenir en partant du principe qu’un loup « éduqué », contrairement à un loup mort, pourrait apprendre aux autres à éviter de s’en prendre aux troupeaux (Appolino & al.).
Comment agir ?
Que peut-on faire à notre niveau de citoyens engagés dans la préservation de la nature
et de la faune sauvage ?
- Sensibiliser le public, l’informer, lui permettre de mieux connaître et le loup et les contraintes des éleveurs.
- Responsabiliser les usagers des grands espaces face au calme nécessaire à la faune sauvage et aux précautions à prendre pour respecter les mesures de protection des éleveurs.
- Apporter un soutien concret aux éleveurs et bergers comme le proposent par exemple l’association FERUS avec son programme « Pastoraloup » ou l’ONG WWF avec son programme « Entre chien et loup » en mettant des bénévoles formés au service des éleveurs, bergers, pour les aider à protéger leurs troupeaux durant la saison du pastoralisme.
- Soutien à l’éducation/sélection des chiens de protection.
- Soutenir les politiques d’aide au maintien d’une agriculture et d’un élevage durable et respectueux de son environnement et en accepter le prix en tant que consommateur !
C’est en pratiquant une coopération entre tous les acteurs concernés, éleveurs, naturalistes, scientifiques, usagers des grands espaces, que des solutions concrètes de protection des élevages et de la faune sauvage pourront être viables et acceptées par tous. C’est l’objectif que se donne ce collectif motivé !
Le collectif Lynx – Loup Savoie
Juin 2025.
