Chaque année, 223 millions d’animaux sont tués sur les routes d’Europe, 194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères, selon une étude menée par la chercheuse Manuela González-Suárez. Cette étude propose une méthodologie inédite pour estimer le nombre d’espèces tuées et les classer selon leur vulnérabilité.

Ce chiffre vertigineux illustre l’ampleur de l’impact de nos infrastructures sur la faune sauvage. 

Si en France, l’expansion continue du réseau routier entraîne déjà une perte importante de la biodiversité, faune et flore, par les travaux : déboisements, destruction d’habitats, assèchement de zones humides…elle amplifie aussi le nombre d’écrasement routier.
Les collisions sont désormais un fléau quotidien pour la faune sauvage, dans un pays qui figure parmi les cinq au monde où l’on roule le plus vite.

Effraie des clochers percutée par une voiture
Effraie des clochers – Sylvain Chapuis

Une perte inquiétante de biodiversité

Dans ces millions d’animaux tués chaque année, les oiseaux représentent la majorité des victimes, toutes espèces confondues : rapaces, corvidés, oiseaux des milieux agricoles, etc.
Les centres de soins à la faune sauvage accueillent chaque année de nombreux animaux blessés par des chocs routiers, blessures souvent fatales.
Selon Manuela  González-Suárez : “Les routes constituent donc une menace importante pour la vie sauvage, et les chiffres montrent que les morts qu’elles occasionnent pourraient même mener à l’extinction complète de certaines espèces.”
Le Centre Athénas, dans le Jura, alerte depuis plusieurs années sur les pertes dramatiques chez le lynx boréal, une espèce protégée dont la population peine à s’étendre, notamment à cause du trafic routier.

Des espèces menacées

Les plus souvent victimes de collisions sont les “petits animaux avec une densité de population importante, et atteignant la maturité très tôt dans leur existence”, comme le merle noir ou la pipistrelle pygmée, une petite chauve-souris. Ces espèces ne sont pas en danger d’extinction, mais leur déclin affaiblit directement les écosystèmes dont elles font partie.
Les espèces nocturnes et herbivores sont particulièrement exposées. 

Le hérisson d’Europe, quant à lui, paie aussi un lourd tribut.
Le cloisonnement des jardins et l’urbanisation l’obligent à se déplacer le long des routes, augmentant le risque de collision.

Et un signe anodin qui en dit long : nos pare-brises se salissent moins qu’avant.

Cette observation traduit la chute dramatique des populations d’insectes, pourtant essentielles à la pollinisation et à la chaîne alimentaire.

Des routes plus sûres pour la faune

Des solutions existent déjà pour limiter ces drames.
Les passages à faune, qu’ils soient souterrains (tunnels) ou aériens (ponts végétalisés), permettent aux animaux de traverser les routes en sécurité. Leur efficacité est prouvée, mais leur déploiement reste encore trop limité en France.
La signalisation adaptée : notamment les panneaux “passage d’animaux sauvages” peut aussi sauver des vies, à condition d’être visible et respectée.

Certaines initiatives expérimentent également l’usage de sifflets ultrasoniques fixés sur les véhicules, destinés à prévenir les animaux de l’arrivée d’une voiture.
Les résultats sont encore variables, mais ces pistes témoignent d’une prise de conscience grandissante.

Des gestes simples qui sauvent

S’il paraît difficile d’abandonner complètement la voiture, chacun peut agir à son échelle pour limiter les collisions :

  • Ralentir, surtout la nuit, au crépuscule ou en cas de pluie, brouillard ou neige.
  • Redoubler d’attention dans les zones signalées ou à proximité de milieux naturels.
  • Garder un carton plié dans le coffre pour pouvoir recueillir un animal blessé et contacter un centre de soins.
  • Si l’animal est mort, le déplacer prudemment hors de la chaussée, seulement si cela peut être fait sans danger, pour éviter un nouvel accident avec un prédateur opportuniste.

Ralentir, c’est protéger la faune, mais aussi réduire les risques pour les conducteurs.
Moins de vitesse, c’est moins d’accidents, moins de carburant consommé, et moins de CO₂ émis.
Passer de 130 à 110 km/h ne rallonge un trajet que de quelques minutes, mais sauve des vies, animales et humaines.

Salamandre tachetée risquant l'écrasement
Salamandre tachetée – Arthur Martinot