Dix années de reproduction des sternes pierregarins sur de lac de gravière Vicat
de Loriol-sur-Drôme, Lac de Marquis, à Printegarde
Introduction :
La sterne pierregarin (Sterna hirundo), encore appelée « hirondelle des mers », est un oiseau de la sous-famille des Sternidés, intégrée à la famille des Laridés (les mouettes et les goélands). Son envergure moyenne est comprise entre 70 et 80 cm.
La sterne recherche des sites de nidification à l’abri des prédateurs terrestres et présentant des
substrats dégagés (sans végétation) par exemple les grèves sableuses des grands fleuves ou les marais salants.
La sterne pierregarin est légalement protégée au niveau national, elle est également inscrite à l’annexe I de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne. Elle est inscrite à l’annexe II de la convention de Bonn
(conservation des espèces migratrices) et à l’annexe II de la convention de Berne (conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe). Pour le site Natura 2000/ZPS de Printegarde la sterne pierregarin est dans la liste des oiseaux justifiant la désignation de la ZPS par arrêté ministériel du 12 juillet 2018.
–> Historiquement, dans la Drôme, les observations répétées de 1980 et 1981 avaient conduit la
FRAPNA Drôme à aménager une plateforme pour la reproduction des sternes sur la pile d’un pont abandonné au confluent du Rhône et de l’Isère en 1986. Ce site n’a pas été colonisé car l’espèce était encore erratique dans le département à cette époque.
Sabine Couvent (2004) précise qu’il existe alors deux colonies de reproduction dans la Drôme depuis les années 1990 :
- La première colonie de sternes Pierregarin dans la Drôme a été découverte par Georges Olioso en
1990 à Châteauneuf-du-Rhône sur le barrage hydroélectrique Henri Poincaré de la CNR
(Compagnie Nationale du Rhône) : « La sterne Pierregarin est très rarement observée dans la moyenne vallée du Rhône, aussi, c’est avec surprise que, le 3 juillet 1990, nous avons découvert un
couple nicheur sur le musoir. » (Olioso, 1996). Cette colonie a été longtemps la principale colonie de reproduction avec par exemple 10 couples en 2003 (Mathieu, 2004).
- La colonie de Saulce-sur-Rhône a été suivie par Gilbert Duc et ceci depuis l’installation du premier
couple en 1998 sur le musoir de l’usine hydroélectrique de la CNR (Mathieu, 2004). Il est difficile d’évaluer avec exactitude le nombre de poussins ou de jeunes du fait de leur plumage mimétique avec le sol. En ornithologie, la reproduction est considérée comme réussie quand les poussins sont
capables de s’envoler.
Curtet (2005) dans le Document d’Objectif du site Natura 2000 de Printegarde note que la sterne pierregarin, déjà observée régulièrement sur le site, est susceptible de s’y reproduire à condition d’y réaliser certains aménagements favorables.
A l’occasion de la mise en place des mesures compensatoires de la passerelle de la Viarhona enjambant la Drôme (aménagement cyclable du service des routes du Conseil Départemental de la Drôme), un radeau pour la reproduction des sternes pierregarins a été installé au milieu d’un plan d’eau très proche (Faton, 2011).
Le radeau pour la reproduction des sternes a été opérationnel en avril 2014 sur le plan d’eau de la gravière Vicat, lac de Marquis, commune de Loriol-sur Drôme. Les propriétaires du plan d’eau, Monsieur et Madame Vignon, sont très attentifs à la surveillance du radeau depuis dix ans.
Depuis son installation, l’opération de remise en état annuel du radeau pour les sternes de Printegarde est réalisée bénévolement par des membres de la LPO Drôme-Ardèche sous la coordination de Jean-Michel Faton.
Pour 2024, merci à la LPO AURA – Drôme-Ardèche et à ses bénévoles : Bruno Charrier, Nathaëlle Bock et son compagnon, Margaux Sicre pour leur aide énergique en août et à Claude Sanitas et Cathy Brondy-Faton en février 2024 !
Évolution de la reproduction des sternes pierregarins
en Drôme-Ardèche depuis dix ans
La colonie initiale de Châteauneuf-du-Rhône n’existe plus (disparue en 2012). La colonie « historique » qui a subsisté a été celle de l’écluse CNR de Logis-Neuf entre 2012 et 2014 : environ 5 couples. A la colonie de Logis-Neuf s’ajoute celle de Printegarde (Le Marquis) qui s’installe en 2015 après une tentative échouée en 2014.
Les 2 colonies sont présentes en 2015, 2016, 2020 et 2021. En 2017 et 2019, Printegarde est le seul site de reproduction. Une petite colonie s’installe à la carrière CEMEX d’Etoile-sur-Rhône sur un radeau
précaire en 2018. En 2022 et 2023, il a existé 3 colonies (Logis-Neuf, Printegarde et Etoile). En 2024, si le site d’Etoile semble abandonné, les sternes ont maintenant 4 colonies dans la Drôme. Logis-Neuf (Saulce) et Printegarde (Loriol) sont les colonies principales avec 8 et 7 couples. Deux autres colonies sont apparues :
– Châteauneuf-sur-Isère (3 couples)
– et Grâne (1 couple) sur des anciennes gravières
En 2024, la population de Drôme-Ardèche a été de 19 couples nicheurs. Il y a eu 4 colonies de reproduction de l’espèce dans le département de la Drôme, dont 2 nouvelles : Pour la gravière de Châteauneuf-sur-Isère : 3 couples (il s’agit probablement d’un transfert de la colonie d’Etoile). Pour
l’ancienne gravière des Freydières, à Grâne : 1 couple. Le couple de Grâne (radeau de la réserve naturelle des Ramières) s’est installé tardivement en juin, certainement du fait du manque d’espace libre sur le radeau de Loriol.
Résultats à Printegarde – Lac de Marquis en 2024
La colonie de reproduction des sternes pierregarins située sur le radeau se porte bien avec 8 couples nicheurs en 2020 et 2021, 11 couples en 2022. En 2024, la colonie a légèrement diminué en passant à 7 couples du fait de l’envahissement du radeau par les roseaux phragmites.
Historique des opérations de gestion du radeau de Marquis
à Printegarde
En 2014, les sternes ont été observées à plusieurs reprises sur le nouveau radeau. Il n’a cependant pas été noté de reproduction réussie en mai et juin 2014.
Le radeau a fait l’objet d’actes de vandalisme en juillet 2014, sans que sa structure n’ait été endommagée (amarres sectionnées, tuiles dispersées, grillage de rive arraché, radeau amené sur la berge pour servir de plongeoir). Le radeau a été remis au milieu du plan d’eau.
En 2015, en mars, de nouveaux corps morts d’amarrages ont été immergés pour consolider la fixation. Les cordages ont été remplacés par des câbles en inox de 8 mm, les tuiles remplacées (abris des oiseaux), et quatre panneaux réglementaires très visibles ont été posés sur les quatre faces du radeau.
Début mai 2015, les premiers couples cantonnés ont pris possession du radeau. Le 14 août 2015, les jeunes sternes étaient volantes, mais encore nourries sur le radeau par les adultes. Monsieur Vignon nous a dit avoir remis sur le radeau une jeune sterne tombée dans l’eau fin juillet. C’est la raison pour laquelle nous avons réinstallé un grillage de rive pour la saison 2016.
En mars 2019, nous avons réalisé une restauration complète du système d’amarrage du radeau qui s’était détaché (rupture du câble inox).
En 2022, nous avons restauré à nouveau l’amarrage du radeau en urgence et coupé les roseaux qui avait poussé. Un traitement herbicide « bio » (25 kg de sel et 20 litres de vinaigre + un géotextile) a été réalisé.
En 2023, un amarrage encore plus solide a été mis en place : 2 paniers métalliques type gabion, cordage nylon de 14 mm de 50 mètres, grosse chaîne de 10 mètres pour ceinturer le radeau, 50 kg de sel et 40 litres de vinaigre. Les matériaux nécessaires (environ 300 euros) ont été pris en charge par le Conseil départemental.
En 2024, nous avons fauché les roseaux en février mais sans mettre de sel ni de vinaigre. Cela a été une erreur. La conséquence a été une reprise très rapide de roseaux au cours du printemps, ce qui semble avoir fait échouer la reproduction de plusieurs couples de sternes. Aussi, nous avons décidé de faire une fauche précoce au mois d’août 2024 pour épuiser les rhizomes des roseaux avant la descente de sève et de faire un épandage massif de 250 kg de sel routier fournit par le propriétaire du radeau, le Conseil départemental de la Drôme (voir figue 1).
Nécessité de remplacer le radeau actuel au lac de Marquis
Le radeau actuel, de 4 mètres de côté, a été conçu sur la base d’une plaque de mousse rigide en polyuréthane de 25 cm d’épaisseur. Ce matériau offre une flottabilité durable depuis dix ans. Cependant, les roseaux ont pu germer à sa surface et les rhizomes ont pu s’incruster dans la mousse en développant des racines aquatiques sous le radeau au fil du temps, si bien que la pousse de ses roseaux devient incontrôlable et incompatible avec la reproduction des sternes (oiseaux nichant exclusivement en milieux ouverts).
La mousse présente une bonne résistance à la compression. Sa structure cellulaire fermée empêche l’absorption d’eau.
L’opération de salage de la surface du radeau permet simplement de limiter la repousse des roseaux au printemps et la fauche estivale et le salage restent indispensables tous les ans.
Nous souhaitons d’ailleurs que le radeau soit remplacé en 2025 !
Conclusion
La préservation des sternes pierregarins est une action exemplaire et d’un intérêt majeur de la protection des oiseaux menacés en Drôme-Ardèche. Le site de Natura 2000 à Printegarde y joue un rôle déterminant en abritant, grâce au radeau du lac de Marquis, la principale colonie de reproduction de l’espèce depuis dix ans.
Pour maintenir l’efficacité de ce radeau, il a fallu que des ornithologues bénévoles se mobilisent chaque année pour le réparer et l’entretenir. Ils ont acquis un savoir-faire très important pour les actions à venir.
Il est à présent recherché les financements nécessaires pour remplacer le radeau par un équipement plus durable et plus fiable.
Remerciements : cette synthèse a été réalisée avec la participation de la Ligue pour la Protection des Oiseaux Auvergne-Rhône-Alpes Drôme-Ardèche, du Conseil Départemental de la Drôme (service des routes), de la Société Granulats Vicat, de la mairie du Pouzin – Natura 2000 et de M. et Mme J.-P. Vignon, propriétaires à Loriol-sur-Drôme.
Jean-Michel Faton, 5 août 2024
07 89 58 01 37