GENESE DU PROJET : CONTEXTE, RATIONNEL
Depuis plus de 2 ans, la LPO installe des écuroducs dans le cadre du contrat vert et bleu piloté par Grenoble Alpes Métropole. Cette action est financée par la Région Auvergne Rhône Alpes, le Département de l’Isère et la METRO. L’écuroduc est un système de cordage qui permet de pallier l’absence de jointure naturelle des branches d’arbres au-dessus de la route et qui permet à l’écureuil de traverser la route en sécurité. À ce jour, 19 écuroducs ont été installés et sont suivis en Isère. Ils sont localisés sur cette carte : https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/ecuroduc_grenoble_metropole_671767.
Il n’existe que très peu de preuves de l’utilisation de ces dispositifs par les écureuils. De ce fait, la LPO a souhaité mettre en place un protocole d’observation pour confirmer l’utilisation de ce dispositif par les écureuils, et, le cas échéant, quantifier les passages, dans le but de justifier l’utilité de ce dispositif et de mieux le documenter.
PROTOCOLE
L’objectif était de visiter 4 des 19 écuroducs installés en Isère, à minima pendant un créneau d’une heure par jour (pendant les heures de jour, entre 7h et 18h), tous les jours du mois de novembre 2021. Les 4 sites sélectionnés étaient : Grenoble (Parc Paul mistral), Saint-Martin-d’Hères (route des Maquis), Seyssins (Parc Mitterand) et Echirolles (Salvador Allende).
Un appel à volontaires a été lancé en octobre 2021 par la LPO afin de recruter des observateurs, qui pouvaient se répartir sur le ou les site(s) et les créneaux d’observation de leur choix. Au final, 15 volontaires ont répondu à l’appel et ont participé aux observations. Un total de 41 observations a été effectué par ce panel sur l’ensemble des 4 sites et des 30 jours d’observation, avec un nombre d’observations par observateur allant de 1 à 8.
Les observateurs devaient se placer à proximité de l’écuroduc, à distance raisonnable pour ne pas déranger les écureuils mais pour pouvoir observer leur présence ou non, et d’éventuelles traversées de route (par l’écuroduc ou non). Il s’agissait ensuite de reporter la présence ou non d’écureuil pendant le créneau d’observation ainsi que le comportement de l’écureuil (approche de l’écuroduc ; traverse ou non ; par les branches, l’écuroduc ou la route) sur Naturalist (ou faune-isere.org).
Descriptif des observations effectuées au pied des 4 écuroducs sélectionnés pour le protocole
Site | Grenoble – Parc Paul mistral | Saint-Martin-d’Hères – route des Maquis | Seyssins – Parc Mitterand | Echirolles – Salvador Allende | Ensemble des sites |
Nombre d’observateurs différents ayant visité ce site | 5 | 3 | 6 | 2 | 15 |
Nombre de jours de visite sur le site | 8 | 15 | 11 | 4 | 23 |
Nombre de visites sur le site | 9 | 15 | 12 | 5 | 41 |
Total horaire d’observation sur le site | 9 | 15 | 12 | 5 | 41 |
Les observations se sont davantage déroulées l’après-midi (59% des observations pour lesquelles l’heure de début d’observation était renseignée ; données manquantes : 9/41).
RÉSULTATS DES OBSERVATIONS
- Présence d’écureuils à proximité des écuroducs
La présence d’écureuils à proximité de l’écuroduc a été rapportée sur tous les sites, et dans 39% des cas d’observation (16/41). Seul le site de Grenoble enregistre davantage de cas d’observation avec la présence d’au moins un écureuil (67%) que de cas d’observation sans présence d’écureuil.
Site | Grenoble – Parc Paul mistral | Saint-Martin-d’Hères – route des Maquis | Seyssins – Parc Mitterand | Echirolles – Salvador Allende | Ensemble des sites |
Observations lors desquelles aucun écureuil n’a été aperçu | 3 (33%) | 9 (60%) | 10 (83%) | 3 (60%) | 25 (61%) |
Observations avec au moins un écureuil aperçu | 6 (67%) | 6 (40%) | 2 (17%) | 2 (40%) | 16 (39%) |
Total observations | 9 (100%) | 15 (100%) | 12 (100%) | 5 (100%) | 41 (100%) |
Il ne semble pas y avoir de différence significative dans la probabilité d’observer au moins un écureuil en fonction du site, de l’observateur, de la date ou de l’heure de la journée (test du χ² en univarié, mais attention au faible nombre d’observations et à l’impossibilité de tenir compte simultanément de plusieurs effets).
Au total, 23 écureuils ont été aperçus lors des observations (lors des 16 observations positives sur les 41). Dans 63% des cas (10/16 observations), l’observateur a signalé la présence d’un seul écureuil autour de l’écuroduc pendant son créneau d’observation. Dans 31% des cas (5/16 observations) il en a signalé 2 lors d’une même observation. Enfin, il n’est arrivé qu’une seule fois que l’observateur rapporte la présence de 3 écureuils au cours d’une même observation (sur le site de Grenoble). Le site qui enregistre le plus grand nombre d’écureuils est celui de Grenoble, suivi de Saint-Martin-d’Hères, d’Echirolles et enfin de Seyssins. Ce classement ne suit donc pas le nombre d’heures d’observations puisque les sites de Saint-Martin-d’Hères et de Seyssins étaient en tête avec respectivement 15h et 12h d’observations cumulées sur la période de l’étude.
Site | Grenoble – Parc Paul mistral | Saint-Martin-d’Hères – route des Maquis | Seyssins – Parc Mitterand | Echirolles – Salvador Allende | Ensemble des sites |
Nombre d’écureuils signalés sur l’ensemble des observations (toutes dates et tous observateurs confondus) | 10 (43%) | 8 (35%) | 2 (9%) | 3 (13%) | 23 (100%) |
- Comportement des écureuils à proximité des écuroducs
Aucun évènement d’intérêt n’a été observé (i.e. traversée de route via l’écuroduc). D’autre part, aucune traversée par la route (i.e. évènement que l’on souhaite éviter grâce au dispositif) n’a été observée non plus. Toutes les traversées de route ont été effectuées par les branches.
Sur les 23 écureuils observés, 7 (soit 30%) ont traversé la route (via les branches, cf. paragraphe précédent) et 16 (soit 70%) se sont simplement approché de l’écuroduc ou en sont passé à proximité (dans la zone d’observation qui entoure l’écuroduc) mais sans traverser la route. Le site de Grenoble enregistre la plupart des traversées (6 sur les 7 observées) et il s’agit du seul site où la majorité des écureuils observés ont traversé la route (60%).
Site | Grenoble – Parc Paul mistral | Saint-Martin-d’Hères – route des Maquis | Seyssins – Parc Mitterand | Echirolles – Salvador Allende | Ensemble des sites |
Nb d’écureuils qui ne traversent pas | 4 (40%) | 7 (87,5%) | 2 (100%) | 3 (100%) | 16 (70%) |
Nb d’écureuils qui traversent (par les branches) | 6 (60%) | 1 (12,5%) | 0 (0%) | 0 (0%) | 7 (30%) |
Total écureuils observés | 10 (100%) | 8 (100%) | 2 (100%) | 3 (100%) | 23 (100%) |
Il ne semble pas y avoir d’association significative entre la proportion d’écureuils qui traversent et l’observateur, la date ou l’heure de la journée (test du χ² en univarié, mais attention au faible nombre d’observations et à l’impossibilité de tenir compte simultanément de plusieurs effets). En revanche, l’association entre la probabilité qu’un écureuil traverse la route et le site d’observation tendait à être significative (p-value = 0.057).
CONCLUSION
Ce protocole confirme le fait que les écureuils sont bien présents autour des écuroducs suivis et qu’ils effectuent des traversées de route (même si celles-ci ont toujours été observées par les branches). Ceci met bien en évidence un besoin de la part des écureuils de traverser la route sur ces zones. De ce fait, le protocole confirme que les écuroducs sur ces zones peuvent être utiles et répondre à ce besoin de déplacement des écureuils.
De plus, l’un des observateurs a signalé qu’un écureuil s’était approché de la route à deux reprise -son comportement laissant supposer une intention de traversée- mais qu’il avait renoncé en voyant les voitures. Un observateur a également renseigné le signalement par une passante d’un écureuil écrasé sur la route à proximité de l’écuroduc dans les jours précédant l’étude. Ces deux points suggèrent que la route est réel danger (mort de l’animal par collision ou écrasement) mais aussi un obstacle évident aux déplacements des écureuils, pouvant nuire à leurs activités, d’où la nécessité de trouver des moyens de compensation tels que les écuroducs.
D’autre part, un observateur a rapporté qu’un écureuil s’était approché jusqu’à la corde de l’écuroduc (au contre-poids plus précisément) et un passant a affirmé à l’un des observateurs avoir déjà vu des écureuils utiliser l’écuroduc suivi. Ainsi, les écuroducs semblent être bien acceptés par les écureuils et il s’agirait d’un moyen approprié pour leur permettre de traverser les routes en évitant les collisions routières.
Le fait que le protocole n’ait pas mis en évidence de traversée ni par l’écuroduc ni par la route tient probablement au fait que les branches se reliaient suffisamment au-dessus de la route dans la zone à proximité de l’écuroduc. Les résultats auraient probablement été différents si les branches ne se touchaient pas. Ceci indique que lorsqu’ils ont le choix entre la route, l’écuroduc ou les branches, les écureuils préfèrent naturellement traverser par les branches. Ainsi, les écuroducs pourraient se révéler utiles uniquement dans des zones où les branches ne pourront pas se toucher même en cas de croissance des arbres.
Il faut toutefois noter que cette étude descriptive et à visée exploratoire ne comporte que très peu d’observations, ce qui a probablement en partie contribué à l’absence d’observation de l’évènement d’intérêt (traversée par l’écuroduc) ou de l’évènement que l’on cherche à éviter (traversée par la route). L’étude gagnerait à être reproduite sur une plus longue durée ou avec davantage d’observateurs (à condition de pouvoir étudier un éventuel effet de l’observateur) afin de disposer d’un plus grand nombre d’observations. Il serait intéressant de voir également si la période d’observation (automne) a eu une influence. Du fait du faible nombre d’observations, il n’était pas possible de mesurer précisément l’influence du lieu, de l’heure de la journée ou encore de la date ni de tenir compte d’un éventuel effet observateur.