Suite à la réintroduction de gypaètes barbus dans le Parc Naturel Régional du Vercors, un couple niche dans le cirque d’Archiane et cette année, un oisillon a pu voir le jour. Malheureusement, certaines activités sportives à proximité du nid mettent en péril la survie du jeune oiseau, et la Zone de Sensibilité Majeure instaurée n’est pas respectée… La LPO AuRA s’inquiète de l’avenir du gypaéton et demande une protection forte de ce site.
Le Cirque d’Archiane, situé au sud de la Réserve Naturelle Nationale des Hauts Plateaux du Vercors, est une zone naturelle remarquable avec la présence de nombreuses espèces d’oiseaux rupestres : vautour fauve, aigle royal, et depuis peu, gypaète barbu.
Il y a quelques années, le Parc Naturel Régional du Vercors y a implanté à proximité la zone de relâcher des gypaètes barbus dans le cadre du programme de réintroduction européen (projets LIFE Gyp’Connect 2015-2022 et LIFE Gyp’Act 2022-2028).
On pourrait imaginer que les efforts ont été accentués depuis pour protéger largement la zone qui accueille désormais plusieurs espèces protégées remarquables et sensibles à la présence humaine.
Sur le papier, oui : une Zone de Sensibilité Majeure (ZSM) a été mise en place. Il est donc déconseillé de s’introduire dans la zone de nidification et ses alentours pendant la période de reproduction. Mais dans les faits, la LPO Auvergne-Rhône-Alpes constate avec colère et déception que certaines activités sportives continuent, notamment l’escalade, le vol libre et le basejump, et ce en pleine période de nidification. Un perforateur pour l’aménagement de nouvelles voies d’escalade a notamment été utilisé pendant la couvaison de l’œuf, remettant clairement en question la quiétude des oiseaux. Cela souligne également le développement anarchique et non coordonné de nouveaux équipements sur un site déjà largement pourvu.
Ces activités sportives, effectuées à proximité directe du nid, représentent un réel danger pour la survie de l’oiseau : s’ils sont dérangés, les adultes peuvent quitter le nid, compliquant ainsi l’alimentation du jeune et le laissant à la merci des prédateurs ou accentuant les risques de chute.
La LPO Auvergne-Rhône-Alpes s’interroge sur la volonté de préserver ces espèces en danger malgré des programmes de réintroduction.
L’association reste persuadée que la concertation et le dialogue, déjà instaurés sur plusieurs sites à enjeux et ayant fait leurs preuves, peuvent être des solutions pérennes à la prise en compte de la biodiversité dans les activités de loisir en milieu naturel.
En l’absence d’une réelle volonté de prise en compte des espèces protégées et de leur milieu, et face au non-respect des zones sensibles par certains pratiquants de sports de nature, la LPO AuRA, inquiète du devenir du gypaèton mais aussi du site, souhaite une évolution vers une protection réglementaire environnementale plus contraignante et ambitieuse.
Les services de l’État seront interpelés en ce sens et la LPO espère un pas en avant afin de protéger ce site remarquable et ces rapaces si fragiles.
Le gypaète barbu
Le gypaète barbu est le plus grand vautour d’Europe, avec une envergure pouvant atteindre 290 cm.
Facilement reconnaissable à sa couleur orangée sur les parties inférieures du corps (chez l’adulte) et la présence de mèches de plumes sous le bec qui lui vaut son nom, ce grand rapace habite les montagnes et les falaises.
Essentiel dans la chaîne alimentaire, il se nourrit des os et ligaments trouvés sur les cadavres d’animaux, nettoyés préalablement par les autres vautours.
Aujourd’hui menacé, le gypaète barbu fait face à de nombreux enjeux : il ne pond qu’un à deux œufs par an, limitant ainsi le renouvellement naturel des populations. La période de nidification est également longue : les œufs sont pondus entre décembre et février et éclosent 60 jours plus tard. Le jeune (il n’en reste souvent qu’un) ne quittera le nid que 4 mois plus tard. De plus, le gypaète barbu n’atteint sa majorité sexuelle qu’entre 5 et 8 ans, le laissant pendant de longues années face à des risques mortels : électrocution, percussion avec des câbles électriques, tirs, empoisonnements…
Les programmes de réintroduction dont il fait l’objet tentent ainsi de reconnecter les populations de différents territoires (notamment des Alpes aux Pyrénées) afin de dynamiser le grand retour du « casseur d’os ».