Le vautour fauve présent en Auvergne
Régulièrement observé depuis 15 ans sur les montagnes d’Auvergne, le vautour fauve y trouve les ressources nécessaires pour s’alimenter ponctuellement sans toutefois bénéficier des conditions requises pour nicher. Il est présent sur notre territoire de mai à septembre à la faveur des courants d’air chauds et du vent du Sud. Avec le retour des beaux jours, et l’activité pastorale développée de notre région, il est tout à fait normal de l’observer fréquemment pendant l’été.
Au cours de l’année 2021, 9 expertises ont été menées, par des vétérinaires formés, sur 16 bovins suite à une interaction avec les vautours. Les résultats font état d’une seule interaction survenue avant la mort effective sur une vache agonisante. Les 15 autres interactions sont survenues après la mort des bovins concernés. Les expertises ont par ailleurs révélé que la cause de la mort de ces 15 bovins est due à un problème sanitaire (maladie, bactérie, …)
L’allié des agriculteurs
Grâce à son régime alimentaire peu commun, l’importance du vautour dans la nature est fondamentale car en se chargeant d’éliminer rapidement les carcasses, il permet un équarrissage naturel. Comme les vautours agissent en groupe, ils peuvent nettoyer une carcasse de brebis en moins de 10 minutes. Ils empêchent ainsi la contamination par putréfaction prolongée des cadavres et évitent la propagation de maladies dans l’environnement. Ce sont les nettoyeurs de la nature, un rôle sanitaire indispensable dont ils s’acquittent fort bien avec une rapidité et une efficacité inégalée. Constitué pour assumer ce rôle à la perfection, le vautour a développé un système digestif qui fait de lui un « cul-de-sac épidémiologique », c’est-à-dire que tout élément pathogène est dégradé par le pH de son estomac (autour de 1) et ne se retrouve pas dans ses fientes.
Pourtant mal compris
Le comportement des vautours est encore mal connu par les habitants de notre région. Ils sont très grands, peuvent être nombreux, ils se querellent bruyamment quand ils nettoient une carcasse. Ainsi, on peut mal interpréter ce que l’on voit et penser à tort qu’ils ont causé la mort de l’animal.
Grégaire, le vautour vit en colonie, pour se reproduire, pour dormir et pour s’alimenter. La multitude d’individus observables simultanément associée à sa grande taille, le rend d’autant plus impressionnant. Autour d’une même carcasse, ils se querellent entre eux car le premier à s’imposer est le premier qui mangera. Cela ne le rend pas pour autant dangereux, que ce soit pour le bétail ou pour les humains.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ses grosses pattes n’ont aucune force à la préhension et ne lui permettent pas de saisir quoi que ce soit (même les branches pour son nid, il les transporte dans son bec). S’il arrive que dans de rares cas, le vautour consomme un animal avant que celui-ci ne soit cliniquement mort, il s’agit d’un animal condamné, agonisant ou en situation de détresse extrême. Car le vautour, qui surveille un territoire immense à très haute altitude, n’accède à sa nourriture au sol que si l’animal ne bouge plus, si l’animal est mort (ou agonisant), sans signe de mouvement, et en l’absence d’aucun danger (carnivore, humain…).
Parole d’éleveur
Témoignage de Luc Bevalot, agriculteur retraité d’une exploitation en ovins viande, dans les Alpes de Hautes Provence, au-dessus des Gorges du Verdon.
« Que représente le vautour pour vous ? »
LUC – « C’est un nettoyeur très pratique : il est très utile au niveau sanitaire grâce à son intervention rapide et efficace sur les carcasses. De plus, c’est un oiseau très beau avec des vols magnifiques. »
« Comment vos bêtes réagissent-elles lors de la présence de vautours ? »
LUC – « Les vautours patrouillent régulièrement au-dessus du troupeau : les bêtes ne réagissent pas plus qu’à la présence de parapentes. »
« Comment se passe la cohabitation avec le vautour ? »
LUC – « Les vautours font partie d’un tout et personnellement, malgré sa forte présence, je n’ai jamais eu de problème. Pourtant, j’ai régulièrement eu des agnelages dans les prés sans ma présence. »
« J’ai également une anecdote : un collègue berger avait un agneau malade et non soignable qu’il avait éloigné du troupeau, il bougeait très peu. Les vautours tournaient au-dessus de lui et ont attendu la mort de l’agneau pour intervenir. »
Ne nous trompons pas de cible
Les agriculteurs, et encore plus les éleveurs, subissent des conditions économiques, climatiques et sanitaires difficiles. Nous pouvons citer le système de rémunération des éleveurs et les prix imposés qui ne sont pas équitables. Ils doivent également faire face à des années extrêmement sèches (2019 et 2020) ainsi qu’à des pullulations de campagnols terrestres dans certains secteurs qui ont alourdi les pertes de fourrage des exploitations, et donc les situations financières. La crise sanitaire a également bouleversé certains débouchés. Face à toutes ces crises, les agriculteurs sont mis en difficulté. Ne nous trompons donc pas de cible ne faisons pas, ni des éleveurs, ni des vautours des boucs émissaires.
Comment défendre nos producteurs ?
Incriminer le vautour de tous les maux n’est pas une solution. Défendre nos agriculteurs, qui jouent un rôle déterminant dans l’économie de notre région, la production de notre alimentation, la préservation de la biodiversité ou encore la santé, demandent de soutenir un modèle agricole durable. Depuis de nombreuses années, la LPO fait appel à l’Etat, aux collectivités, à l’Europe pour soutenir une agriculture de qualité. Mais ce sont aussi nos choix du quotidien, en tant que citoyen responsable et en tant que consommateur, qui permettront le développement d’une agriculture respectueuse des producteurs, des citoyens et de la biodiversité ! Produits locaux et labellisés, AMAP, vente à la ferme, marchés et magasins de producteurs sont des solutions. Demandons aussi à ce que nos cantines scolaires et d’entreprises se fournissent localement et en bons produits !