La cour d’appel de Riom confirme le jugement sur la culpabilité de la commune de Séneujols (Haute-Loire), reporte la décision concernant la peine au 28 novembre prochain et rappelle qu’il appartient à la commune de réparer les dommages en effectuant les travaux de reconstruction et de plantation qui lui ont été notifiés dès 2021. La commune avait volontairement fait arracher un important linéaire de haies et de murets en 2019 à l’occasion d’une manifestation agricole. Ces habitats naturels sont en voie alarmante de disparition malgré leur rôle central dans la préservation de la biodiversité des campagnes.

Retour sur les faits

C’est pour faciliter l’accès aux parkings mis en place pour la manifestation agricole « Terres de Jim » que la commune avait ordonné l’arrachage de haies et la destruction de murets en pierres sèches à l’été 2019 le long de chemins communaux. Or ces haies et murets sont des refuges pour de nombreuses espèces protégées d’oiseaux et de reptiles qui y nichent, se nourrissent ou s’y reproduisent : pie-grièche écorcheur, bruant jaune, tarier pâtre ou encore vipère péliade. Quant à la pie grièche grise, espèce en danger suivie dans le cadre d’un plan régional d’actions, sa présence est aussi avérée sur cette commune. Ces travaux ont de plus été réalisés pendant la période de reproduction de certaines de ces espèces protégées.

Alors que la réparation des dommages environnementaux causés a été proposée à l’amiable par les associations de protection de l’environnement puis par les autorités administratives et ensuite par les autorités judiciaires, la mairie de Séneujols a refusé toute coopération.

Au vu des constats d’infraction dressés par l’OFB (Office Français de la Biodiversité – Police de l’environnement), la commune de Séneujols avait alors été déclarée responsable de la destruction d’habitats d’espèces protégées par le tribunal du Puy-en-Velay. Elle a ainsi été condamnée à replanter un linéaire de 740 mètres de haies et à réaliser une construction de murets de pierres sèches en compensation. Ce jugement est aujourd’hui confirmé par la cour d’appel de Riom.

Vers une prise de conscience ?

Les associations, parties civiles dans cette affaire, espèrent que ce jugement fera avancer la prise de conscience sur la nécessité de conserver les murets et les haies. Ils nous font bénéficier de services à la fois agronomiques (protection du bétail et des cultures, réserves fourragères estivales, etc.), productifs (bois de chauffage, paillage, etc.) et environnementaux (préserver les abris des auxiliaires de cultures, lutter contre l’érosion des sols, améliorer la qualité et l’infiltration de l’eau dans le sol, etc.). Ils constituent également souvent le dernier refuge de la faune sauvage dans les zones agricoles à qui ils procurent à la fois le gîte et le couvert.

À l’heure où 23 500 kilomètres de haies sont détruits chaque année et où le nombre d’oiseaux agricoles a diminué de 43% en 40 ans en France, il n’est pas tolérable qu’une commune dépositaire de l’autorité publique non seulement participe à cet effondrement, mais surtout refuse de prendre ses responsabilités et de réparer les dommages causés. La destruction accélérée des haies participe de manière très significative à l’érosion du vivant. En effet, ces lieux sont de véritables réservoirs d’animaux sauvages, comme les prédateurs de campagnols et autres rongeurs, les oiseaux prédateurs d’insectes, etc. Cette faune sauvage présente dans les haies est une précieuse alliée pour les agriculteurs et permet de limiter les recours aux pesticides, fléau de l’agriculture contemporaine.

En savoir plus

Pourquoi protéger les haies et les bocages ?

De nombreux travaux scientifiques, résumés notamment par l’OFB, montrent que les haies et les bocages répondent à plusieurs objectifs témoins de leur utilité :

  • la conservation de la biodiversité,
  • la protection des animaux d’élevage et des cultures,
  • l’augmentation des rendements agricoles,
  • le stockage du carbone et la production de bois,
  • la stabilisation et l’enrichissement des sols,
  • la régulation des inondations et l’épuration des eaux,
  • la fonction de barrière physique contre les produits phytosanitaires.

Or les scientifiques font aujourd’hui le constat d’un déclin alarmant des haies. La publication du dernier rapport GRAPH’AGRI 2022 et les données des anciennes enquêtes Teruti-Lucas d’Agreste, organe de statistique agricole nationale, montrent :

  • qu’en 15 ans, entre 2006 et 2021, nous avons perdu 15% de notre patrimoine de haies et alignements d’arbres;
  • que cette perte est désormais estimée à 23 500 km/an de haies et d’alignement d’arbres, entre la période récente 2017 et 2021;
  • que la tendance de disparition des haies et d’alignement d’arbres continue et s’accélère puisque nous avons plus que doublé le rythme de disparition annuelle depuis 2017. En effet, entre 2006 et 2014, la perte annuelle était en moyenne de 10 400 km/an, et entre 2012 et 2014, de 11 500 km/an et cela malgré une politique de plantation.

Par ailleurs, les populations d’oiseaux des champs s’effondrent. Une récente étude du CNRS (mai 2023) démontre que le nombre d’oiseaux agricoles a diminué de 43% en 40 ans en France. Si la première cause de cet effondrement est l’intensification de l’agriculture (augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisés par hectare), la perte d’habitats est également visée.


Contacts presse

• Jean-Jacques ORFEUVRE, FNE Haute-Loire, 06.74.46.17.60.
• Éric FERAILLE, FNE Auvergne-Rhône-Alpes, 06.22.23.42.33.
• Jean-Christophe GIGAULT, LPO Auvergne-Rhône-Alpes, 06 89 84 63 38.