Les opérations de comptage des chauves-souris 2022 sont terminées. Les dernières sorties de l’année organisées par le Groupe Chiroptères au Col de la Bataille (26) ont eu lieu début octobre : l’occasion idéal de revenir sur les bons résultats obtenus l’année dernière (2021) !
Deux captures ont été organisées le jeudi 2 et le samedi 4 septembre 2021 au scialet de Comblézine et au col de la Bataille, suivies d’un week-end complet de comptage les 10 et 11 septembre, toujours au col. Ce dernier est sur la partie sud-ouest du massif du Vercors entre la source de la Gervanne au sud et la vallée de la Lyonne et le Royans au nord, à une altitude de 1313 m. Il fait l’objet de suivis bénévoles sur les chauves-souris depuis 2011 avec une intensification à partir de 2017 sous la menace d’un projet éolien aujourd’hui abandonné.
C’est quoi au juste un « scialet » ?
Le scialet de Comblézine est un gouffre naturel situé à quelques centaines de mètres du col. Sa profondeur est d’une centaine de mètres avec un puits large et direct de plus de 80 mètres débouchant sur une trémie sans suite. L’ouverture est assez imposante : 20 mètres de long sur une dizaine de large !
Rapide historique des captures au Col de la Bataille
Sur le col de la Bataille, en 10 ans plus d’une cinquantaine de captures au filet ont eu lieu entre la fin août et la mi-octobre. Elles ont permis d’observer 24 espèces de chauves-souris différentes.
Des suivis acoustiques (plus de 150 nuits d’écoute avec des enregistreurs automatiques d’ultrasons) ont complété ces captures avec l’enregistrement de 4 autres espèces et ont apporté des indices d’activité précis : nombre de contacts par espèces et par nuit par exemple.
28 espèces de chauves-souris sur les 30 connues dans la région, ont été contactées sur ce site !
Au scialet de Comblézine, seules quelques captures ont eu lieu depuis quatre ans, souvent suite à un report de site dû à des conditions météo défavorables à une opération au col. Il en résulte des captures souvent limitées par le vent ou par un temps un peu frais… Seule une capture en 2020 avec une bonne météo a montré que le site était fréquenté en masse par des chauves-souris en activité de « swarm ». Le « swarm » ou essaimage en anglais, correspond à un comportement d’afflux massif d’individus de certaines espèces de chauves-souris sur des sites souvent rocheux et/ou souterrains, pour effectuer des parades nuptiales et s’accoupler. Ce phénomène pouvant être très spectaculaire a été découvert récemment et est de plus en plus étudié. Il reste néanmoins encore méconnu.
Retour sur les sorties de Septembre
Jeudi 2 septembre, 19h, les conditions sont bonnes. Quatre bénévoles (Julien, venu spécialement de Haute-Loire ! Lucie, Alexis et Sacha) accompagnent Thomas, chargé de missions à la LPO Drôme-Ardèche, pour installer quatre filets limitant l’accès à l’entrée du scialet. Les premières captures ont lieu vers 20h15 et se succèdent régulièrement pendant deux heures avant de s’espacer dans le temps jusqu’à 2h du matin.
Résultats : 5 espèces observées et marquées (Oreillard roux, Murin à moustaches, Murin de Bechstein, Murin de Natterer et Grand murin) pour un total de 23 individus (dont 21 mâles !).
Samedi 4 septembre, 19h, les conditions sont idéales ! Le vent est faible et le col est curieusement épargné par les pluies qui mouillent les environs. 178 mètres de filets sont installés au nord de la route en une heure avec l’aide de Julien et Gauthier.
Les premières Noctules de Leisler franchissent le col, 50 individus sont capturés en une demi-heure, suivies de quelques Vespères de Savi, puis d’un Murin à moustaches. A 21 heures, surprise : une Sérotine bicolore mâle est capturée ! C’est le douzième individu observé en main sur le site depuis 2011 : cette espèce ressemble morphologiquement à une Noctule de Leisler mais avec une coloration très contrastée. Elle est rare en France (observée principalement dans les régions de l’Est) et ne semble pas s’y reproduire, les maternités connues les plus proches sont situées en Suisse. Il s’agit d’une espèce migratrice, dont les principales populations se trouve en Europe centrale.
Les observations s’enchaînent, de nouvelles espèces apparaissent, un petit Rhinolophe, un Murin de Natterer, puis un Murin de Bechstein, une Noctule commune, puis un peu plus tard deux Pipistrelles de Nathusius… Quelques espèces peu courantes sur le site font également leur apparition : une Pipistrelle de Kuhl, chauve-souris de plaine qui n’a été observé sur le site que depuis seulement 2 ans. Vers 5h15 il est temps de plier les filets : 59 chauves-souris de 14 espèces ont été observées, dont un mâle d’Oreillard roux marqué deux jours auparavant au scialet de Comblézine. Il s’agit de la première capture en nombre d’individus sur ce site depuis le début du suivi et la deuxième en diversité (record de 15 espèces) !
En bonus ce soir : une mésange bleue, quelques passereaux, un accenteur mouchet et trois rouges-queues à front blancs, mais également une jeune chouette hulotte et deux jeunes hiboux petit-duc en partance pour l’Afrique où leur régime alimentaire principalement insectivore les oblige à passer la mauvaise saison.
Les captures se poursuivent le week-end suivant :
Vendredi 10, 18h, la météo est bonne, il fait doux, il n’y pas de vent ou presque. Les filets sont une nouvelle fois montés au nord de la route sous l’œil attentif d’une femelle chamois et de son cabri sur le haut des pentes du Roc du Toulaud. Dès 19h40, des Noctules de Leislers ont commencé à franchir le col en petit groupe. 57 individus sont comptés en 45 min, puis suivent le Vespère de Savi et la Pipistrelle commune. Moins classique à ces heures précoces, des Oreillards, un roux et un gris puis une Pipistrelle de Nathusius se font également attraper vers 21h. Le vent cesse entre minuit et 1h du matin puis reprend en venant du nord cette fois.
Les filets sont pliés vers 3h du matin avec un bilan de 28 chauves-souris attrapée de 9 espèces différentes, un score très honorable !
Un grand merci aux bénévoles présents cette nuit encore : Gauthier, Anaëlle, Adrien, Aurélia, Alexis, Jeanne, Simon, Marius, Séraphine, Lise, Lucie, Mélanie, Pierre, Maëva, Leïla, Rémi.
En bonus ce soir : deux Cassenoix mouchetés en vadrouille, un Pipit des arbres en migration vers l’Afrique, mais également un Gobemouche noir et un Rougegorge.
Samedi 11, les filets sont cette fois montés côté sud car le vent vient du nord. Le terrain et la pente rendent le montage nettement plus complexe ! Quasiment pas de Noctules ce soir, les premières prises démarrent avec des Vespères de Savi à partir de 20h20, puis un Petit rhinolophe, un Oreillard gris avant le premier Murin de Natterer et une Pipistrelle commune. De nouvelles espèces peu communes font leur apparition avec un Murin à oreilles échancrées et un Grand murin mais également une Sérotine commune, espèce plutôt rare sur le site (moins de 10 individus depuis 2011).
La fréquence de capture ralentit mais les prises continuent : de plus en plus de Noctules de Leislers, deux Pipistrelles de Nathusius, un Minioptère de Schreibers. L’humidité s’installe et devient de plus en plus problématique pour le report des résultats. Vers 5h10 c’est l’heure de plier les filets. Bilan : 42 chauves-souris de 14 espèces
En bonus ce soir : deux Chouettes de Tengmalm, quelques Sphynx du liseron et à tête de mort et un loup aperçu non loin.
Merci à Florian, Claire, Anaëlle, Jérôme, Adrien, Gauthier, Alice, Rémi, Lou-Gallane, Anthony, Simon, Séraphine, Leïla et Simon, Sabrina, Manon, Sylvie et Bernard, Agathe, Jeanne, Alexis, Aurélia…