Suivi de la migration prénuptiale au Belvédère de Pierre-Aiguille (Drôme) et au Col de l’Escrinet (Ardèche)

Bilan de la saison 2022

Introduction

Lancées dès le début des années 80 au Col de l’Escrinet et à la fin des années 90 au Belvédère de Pierre-Aiguille, les opérations de suivi des migrations enregistrent respectivement cette année leur 33e et 24e anniversaire !
Si le comptage ardéchois est aujourd’hui encore coordonné et mené par l’équipe salariée avec l’aide de nombreux bénévoles, les financements ne sont plus suffisants en Drôme depuis 2012 pour assurer une nouvelle année de suivi avec des ornithologues salariés… C’est donc un collectif de bénévoles surmotivés qui maintient un suivi partiel en fonction des disponibilités de chacun.e à Pierre-Aguille.
Cette année, les observations se sont déroulées du 5 février au 7 mai 2022 dans la Drôme. Elles ont permis de dénombrer 50 196 oiseaux migrateurs de 91 espèces différentes sur près de 450 heures de suivi et des milliers d’heures de bénévolat. En Ardèche, le suivi a débuté cette année le 19 février et s’est terminé le 23 avril soit 62 jours de suivis consécutifs. Salariés et bénévoles auront ainsi compté 318 196 oiseaux migrateurs pour un total de 109 espèces différentes !

Aigle royal
Aigle royal – JC. Cordara

Méthodologie

Le suivi est régi par un protocole écrit au Pays Basque, faisant référence tant au niveau national que mondial par sa rigueur et sa précision :

  • Détermination précise du point d’observation
  • Détection, détermination, comptage et suivi des oiseaux, pour s’assurer de leur caractère migratoire et pour éviter tout double-comptage
  • Relevé des observations par unité horaire, pour étudier la phénologie de passage des espèces et éventuellement pour suivre des vols remarquables entre différents points d’observation
  • Détermination de la pression d’observation (heure du début et de fin des observations, et nombre de personnes présentes).

Les recherches doivent s’effectuer du lever au coucher du soleil et sans relâche. Les passereaux sont repérés à l’œil nu et identifiés aux jumelles alors que les autres oiseaux sont repérés aux jumelles puis identifiés à l’aide d’une longue-vue. Les données inscrites durant la journée sur un carnet sont ensuite enregistrées tous les soirs sur le site www.migraction.net et la base de données www.faune-drome.org pour les relevés de Pierre-Aiguille. Cette méthode oblige les observateurs à rester concentrés durant de nombreuses heures. Elle nécessite aussi une bonne capacité de reconnaissance des rapaces en vol ainsi que des cris des passereaux. Il convient pour les observateurs de se relayer régulièrement pour alterner les moments de repos avec ceux de la recherche des oiseaux migrateurs.

Belvédère de Pierre-Aiguille
Pierre-Aiguille – R. Métais

Résultats

Les résultats détaillés de ces observations sont disponibles sur les comptes-rendus complets en bas de page.

Héron Garde-bœuf
Héron Garde-bœuf – C. Bougain

Récapitulatif de 2022

L’année 2022 a été une année très particulière : malgré un suivi relativement faible et des conditions météorologiques très défavorables, 2022 aura été une belle saison de migration pour bon nombre d’espèces et aura permis d’observer quelques raretés !

Les cinq espèces les plus observées en Drôme en 2022 sont la Cigogne blanche, le Pinson des arbres, le Milan noir, Le Grand cormoran et la Mouette rieuse, qui représentent à elles seules 59% des individus contactés.

  • Rapaces

En Drôme : 12 310 individus pour 22 espèces, 90% des effectifs de rapaces étant concentrés sur seulement 5 espèces : le Milan noir, la Buse variable, l’Epervier d’Europe, le Milan royal et le Busard des roseaux.

Deux journées resteront dans les mémoires : 999 milans noirs le 1er avril avec une belle proximité et le 4 avril par suite du déblocage et deux nouveaux records journaliers enregistrés avec 41 balbuzards pêcheurs et 401 busards des roseaux !

En Ardèche : 2022 aura vu passer un total de 7960 rapaces durant les deux mois de suivi. L’espèce la plus représenté est sans surprise le milan noir avec 2833 individus comptés. Un palier à plus de 2800 milans noirs n’avait pas été franchi depuis 2015 ! C’est donc une très bonne année pour cette espèce.

Plusieurs records saisonniers furent ainsi battus cette année : les éperviers d’Europe avec 1384 individus, les busards des roseaux avec 777 individus et les milans royaux avec 641 individus. Cette saison fut également particulièrement riche en aigles !

Illustrations
Illustrations – Flora Tarvener
  • Cigognes et Grues :

En Drôme : 9712 individus pour trois espèces. La Cigogne blanche est l’espèce majoritaire avec 7279 individus, soit la deuxième meilleure année pour le site. La Cigogne noire est en moins grand nombre  mais son passage est toujours très attendu par les ornithologues.

En Ardèche : Pour les cigognes blanches, 2022 est la seconde meilleure année de passage avec 794 migratrices (difficile de faire mieux que 2021 avec ses 1254 migratrices). La cigogne noire est dans sa moyenne de passage tandis que pas moins de 492 grues cendrées ont été comptées ! C’est également la seconde meilleure saison pour cette espèce.

Évolution du total saisonnier pour la cigogne blanche
Évolution du total saisonnier pour la cigogne blanche
Cigogne noire
Cigogne noire – M. Ducrotoy
  • Laridés :

En Drôme : 6257 individus pour 4 espèces ; la Mouette rieuse est l’espèce majoritaire avec un effectif de 4993.

En Ardèche : Les laridés restent dans une moyenne basse de passage avec 7 goélands bruns, 15 goélands leucophée et 51 mouettes rieuses, toujours de moins en moins nombreuses chaque saison.

  • Grands cormorans :

En Drôme : Année compliquée avec des effectifs très faibles : seulement 5178 individus sont contactés. Il faut remonter à 2012 pour trouver des résultats similaires. Pour comparaison, une année dite « classique » représente environ 12 000 individus.

En Ardèche : Les grands cormorans furent seulement 1992 à passer, ce qui fait une année très basse également par rapport aux précédentes saisons, la moyenne de passage étant proche des 3000. Espérons que l’année prochaine soit meilleure !

  • Passereaux :

En Drôme : Le site de Pierre-Aiguille et le protocole ne favorisent pas la détection des espèces de passereaux. Les effectifs détectés sont donc relativement faibles mais ne sont pas représentatifs de la vallée du Rhône, qui reste une route majeure pour eux.

Au total, 43 espèces sont identifiées pour 10 469 individus. Le Pinson des arbres est l’espèce majoritaire avec 6248 individus. Cette année est aussi marquée par un passage exceptionnel de Geai des chênes avec 727 individus. Un record pour la région AuRA en migration prénuptiale.

Du côté des martinets et hirondelles, au total 6 espèces sont identifiées pour 4366 individus. Parmi elles, l’hirondelle rustique est la plus abondante avec 979 individus, puis l’hirondelle de fenêtre avec 352 individus. Ces résultats sont très faibles : les effectifs d’hirondelles sont arrivés tardivement sur le continent (hors date de comptage) tandis qu’une tombée de neige début avril a fortement impacté les populations migratrices. L’année 2022 n’est pas du tout représentative des effectifs transitant par le site.

En Ardèche : Cette saison, c’est un total de 296 414 passereaux qui seront passés au-dessus du col, dont une belle diversité d’hirondelles. En effet, les 5 espèces observables en France y ont été détectées : 1338 hirondelles de fenêtre, 322 des rochers, 7426 rustiques, 5 de rivages et 6 hirondelles rousseline ! C’est un record pour ces dernières.

C’est une petite année pour les bergeronnettes, avec 4439 grises, 240 des ruisseaux et 699 printanières, mais les grives musiciennes furent seulement 10 à passer, ce qui est très peu…

Toujours plus nombreux que les autres, les pinsons furent 217 841 à passer !

A noter : le passage remarquable de 11 bruants ortolan, chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 1989, qui fut une année record avec 209 individus migrateurs.

2022 est également une année particulièrement exceptionnelle pour les geais des chênes. Nous en avons compté 228. Le nombre maximum atteint auparavant date de 1998 avec seulement 10 individus…

  • Colombidés :

En Drôme : Année basse pour ce groupe : au total, 3070 individus sont notés pour trois espèces, le Pigeon ramier étant l’espèce dominante avec 3 016 individus.  

En Ardèche : Au cours de la saison, c’est un total de 10 260 colombidés qui ont passé le col pour un total de quatre espèces différentes. Les pigeons ramiers avec 9929 individus restent dans la moyenne de passage du site, tout comme les pigeons colombins avec 204 migrateurs.

  • Suivi de la migration nocturne, une première !

En complément du suivi diurne de la migration, un enregistreur a été posé pour la première fois sur le Col de l’Escrinet afin de détecter le passage d’oiseaux nocturnes. L’objectif était de détecter de nouvelles espèces mais aussi de savoir si le col est aussi un axe privilégié pour les migrateurs nocturnes. L’enregistreur et son micro ont été posés pendant 25 nuits entre le 16 mars et le 18 avril 2022, ce qui a permis d’identifier 25 espèces.

Animation et sensibilisation du grand public

Le site de Pierre-Aiguille est idéalement placé pour permettre au grand public de découvrir la migration des oiseaux. Il se situe dans un bassin de vie relativement important et est un lieu de promenade apprécié puisqu’il s’agit du deuxième site naturel le plus visité en Drôme. Depuis 2018, avec l’installation par Arche Agglo d’un parcours de découverte et d’une station ornithologique sur le point d’observation, le nombre de visiteurs est en augmentation. En période de migration, de mars à avril, on note une fréquentation liée à l’ornithologie de plus en plus importante. Cette année, nous avons sensibilisé 3 574 visiteurs (grand public uniquement).

Le week-end Tête en l’air a permis d’offrir au public diverses animations autour des oiseaux. Ce week-end-là, 782 personnes ont participé aux activités.

Observateurs à Pierre-Aiguille
Un weekend à Pierre-Aiguille

Trois classes, pour 64 élèves, ont participé à des animations LPO réalisées par les animatrices du réseau. D’autres indépendants réalisent également de nombreuses interventions afin de sensibiliser le jeune public. Les classes de Bac et BTS de la MFR de Mondy (qui forme les jeunes aux métiers de la nature), ont participé à plusieurs reprises aux comptages des oiseaux ainsi qu’à des formations en classe pour un total de 110 élèves.

Et enfin, des animations avec des entreprises locales comme Jaboulet ou La Teppe ont permis faire découvrir à leurs pensionnaires ou salariés la migration et les actions de la LPO.

Classe de BTS GPN
Classe de BTS GPN

Les sites de migration sont aussi des lieux de rencontres et d’échanges entre les ornithologues de la région. Au total, 73 observateurs bénévoles ont fréquenté régulièrement le site, certains d’entre eux venant parfois d’autres départements (Loire, Rhône, Isère…). C’est aussi l’occasion pour des novices de venir découvrir le métier d’ornithologue et de se former à la reconnaissance des espèces. La LPO Isère a ainsi participé à deux journées de formation avec des élèves (33 personnes).

Du côté du Col de l’Escrinet, deux classes ont été accueillies sur le site : 12 élèves de l’école primaire de La-Chapelle-sous-Aubenas et 19 étudiants en BTS GPN d’Aubenas. Une dizaine de jeunes en centre de vacances avec leurs animateurs ont également visité le site. Durant toute la saison, 555 visiteurs ont été accueillis et sensibilisés. Nombreuses furent les questions qui trouvèrent leur réponse et les curiosités satisfaites !

Cette année, la motivation d’un grand nombre de bénévoles a permis de sensibiliser un public très large. Une dizaine de classes et donc des centaines d’élèves ont pu assister au spectacle sur les deux sites confondus, être initiés et découvrir un phénomène naturel, parfois magique, proche de chez eux.

Observations à Pierre-Aiguille
Pierre-Aiguille – JC. Cordara

Conclusion

L’investissement bénévole, ainsi que le public nombreux, tout au long de la période, mettent en valeur les intérêts multiples des opérations d’observation :

  • Amélioration des connaissances de l’avifaune migratrice prénuptiale en vallée du Rhône ;
  • Formation des bénévoles et stagiaires à l’identification et au comptage des oiseaux ;
  • Information et sensibilisation du grand public sur le patrimoine naturel en général, et les oiseaux, en particulier lors de l’opération « Tête en l’air »…

Cette saison fut riche en oiseaux et en émotions puisqu’une telle diversité a rarement été observée. Les bénévoles ont été nombreux à se relayer sur les deux sites, à aider à chercher les oiseaux, sensibiliser, cuisiner, etc. Espérons que la saison 2023 soit aussi prometteuse !

Pour terminer, voici quelques cases réalisées par Flora Taverner illustrant parfaitement la vie des migratologues– au Col de l’Escrinet.

Remerciements

Ces opérations de comptage ne pourraient pas être menées sans l’aide précieuse des bénévoles, fidèles au poste. La LPO AuRA tient à remercier tout particulièrement les 73 observateurs qui ont participé aux comptages du Belvédère de Pierre-Aiguille cette année, ainsi que les 36 au col de l’Escrinet. A eux tous, ils cumulent respectivement plus de 5 500 et 4 000 heures de bénévolat. Un grand merci à eux ! La liste de leur nom est disponible dans les comptes-rendus ci-dessous.

La LPO AuRA tient également à remercier la Mairie de Crozes-Hermitage, la famille Bouvet, propriétaire du site de Pierre-Aiguille, pour la facilité et la sympathie affichée afin que l’opération se déroule au mieux ainsi qu’Arche Agglo, pour son soutien, en particulier lors du week-end Tête en l’Air.
Le suivi ardéchois est coordonné par Florian Veau et assuré par un salarié : Louis Félix, chargé de l’animation, de l’accueil et du comptage des oiseaux migrateurs. Merci à eux !
Nous remercions également notre président de Délégation Territoriale, Louis Granier, notre présidente régionale Marie-Paule de Thiersant, la FRAPNA et Monsieur Jacquemart.
Merci à la Fondation Franz Weber qui nous a apporté son soutien une fois de plus : sans elle, le suivi n’aurait pu avoir lieu.
Un grand merci à Vivian Buscaglia et Chloé Galland pour leur généreux don de longue-vue et à Flora pour ses superbes dessins illustrant parfaitement l’ambiance sur le spot de l’Escrinet !

Les rapports complets sont à découvrir ici :

  • Bilan des migrations 2022 – Pierre-Aiguille
  • Bilan des migrations 2022 – Escrinet