Depuis 20 ans, Laurent Majorel, bénévole à la LPO de l’Isère, coordonne le suivi de la reproduction des hirondelles de fenêtre et des hirondelles rustiques dans le département de l’Isère. Retour sur ces deux décennies d’études.
Les résultats en chiffres
La première session de suivi coordonnée par Laurent a eu lieu en 2003. Pour l’hirondelle de fenêtre, à l’époque, 49 communes avaient été prospectées dans l’Isère. Parmi ces communes, 20 secteurs d’études ont été suivis annuellement depuis le lancement du programme.
En 2003, 782 couples avaient alors été identifiés. Ce chiffre a ensuite fluctué entre 720 couples (2013) et 1274 couples (2005). En 2023, soit la vingtième année du suivi, 1168 couples ont été dénombrés par une trentaine de bénévoles, ce qui représente une augmentation de 25% par rapport au comptage de 2022 et de 49% par rapport au premier comptage datant de 2003.
« Peu d’explications concernant cette belle progression si ce n’est la très bonne saison de reproduction de l’an passé », nous dit Laurent.
Ce total constitue le deuxième plus grand nombre de couples sur la période d’inventaire.
En parallèle, sur la même période, les populations d’hirondelles rustiques de 14 communes ont également été suivies par trois bénévoles. En 2003, 71 couples avaient été observés. Depuis, le nombre de couples a fluctué entre 48 couples (2022) et 95 couples (2005). À noter qu’avant cette année, les tendances étaient à la baisse depuis 2019 avec des chutes d’effectifs observées chaque année (-6%, -13% puis -29%).
L’année 2023 est quant à elle marquée par un sursaut du nombre de couples (59) sur ces communes avec une augmentation de 23 % par rapport à l’année passée. Cependant, globalement, la tendance sur ces communes pour les hirondelles rustiques reste à la baisse puisque les effectifs ont diminué de 17% en vingt ans.
Ces résultats sont à mettre en perspective avec les données nationales et régionales récoltées sur les mêmes taxons via le protocole STOC. Par exemple, à l’échelle nationale, on observe des chutes d’effectifs pour l’hirondelle de fenêtre et l’hirondelle rustique, respectivement de 23,3% et 25,20%. Plus localement, dans la région AuRA, les tendances sont également à la baisse avec respectivement 19,97% et 17% (période 2001 – 2019).
Analyse des résultats
Les protocoles et les périodes d’étude étant sensiblement différents, les comparaisons entre ces jeux de données sont hasardeuses et il est difficile d’en tirer des conclusions. Cependant, on peut s’étonner de l’observation d’une dynamique inverse pour la population d’hirondelles de fenêtre sur le secteur d’étude de Laurent. En général, les causes du déclin des oiseaux sont connues. Il est plus difficile d’appréhender les causes d’une augmentation de population localement.
« Je n’imagine pas faire autrement car les colonies se font et se défont au fil des années et il peut y avoir un effondrement dans une commune et simultanément une forte hausse dans la commune voisine. C’est donc assez risqué de faire un suivi à l’échelle d’une commune ou pire d’une colonie ! ».
Voici quelques pistes d’explication :
Les périodes de sècheresse entrecoupées de fortes pluies semblent favorables à l’espèce. De plus, la réduction et l’abandon de l’usage de produits phytosanitaires par les communes lui sont également favorables. Au vu du caractère particulièrement urbain de certains sites, l’impact des produits phytosanitaires utilisés en milieu agricole est donc réduit. De plus, les politiques de prise en compte de l’espèce par les services d’urbanisme des villes et la sensibilisation des habitants permettent d’envisager une cohabitation pérenne. Enfin, un suivi régulier par la LPO et le réseau de bénévoles permet d’être vigilant et d’alerter lorsqu’il y a des risques de destruction de colonies…
« Le réseau est hyper vigilant toute l’année sur les colonies, on peut donc intervenir rapidement si besoin en cas de travaux ou autres ».
D’autres facteurs (environnementaux, climatiques …) entrent également dans l’équation.
Le protocole de suivi
« Dès le début en 2002, j’ai imaginé faire un suivi exhaustif d’un secteur assez vaste et représentatif en excluant les colonies de montagne. J’ai donc choisi la cuvette grenobloise, de Voiron et Pontcharra en limite nord à Vif et Vizille en limite sud. Toutes les communes de l’étude ont été suivies de façon exhaustive chaque année depuis 2003 ».
Le comptage est effectué en seulement deux passages à 15 jours d’intervalle.
Le premier comptage doit avoir lieu vers la fin juin et le second vers la mi-juillet, suivant les nichées.
Pour chaque comptage, il est préférable de l’effectuer vers la fin de la fourchette des dates proposées, sans dépasser la date limite de chaque comptage.
Ces suivis sont particulièrement précieux pour l’association. Ils nous donnent une idée des tendances locales sur ces espèces sensibles et liées aux surfaces bâties. Ils nous permettent également d’avoir une connaissance fine des enjeux de conservation sur les communes concernées par les inventaires. Ce dernier point est essentiel pour garantir la protection des populations locales d’hirondelles.
Le groupe de bénévoles
Le groupe a été imaginé en 2002 et créé début 2003. Le premier objectif était de suivre les deux espèces sur cinq ans. Laurent a rapidement été épaulé par deux autres bénévoles iséroises, Marylène Aubry et Ginou Waeckel.
Une large communication a été faite au travers des bulletins municipaux des communes de Grenoble et alentours pour faire découvrir le groupe et trouver de nouveaux bénévoles. Depuis, le suivi s’est élargi à quelques autres communes, notamment en limite sud et nord du département.
« La fidélité des bénévoles est impressionnante, certains sont présents depuis 2003 ! » conclut Laurent.
Nous profitons de cet article pour remercier tou·te·s les bénévoles qui se sont impliqué·e·s sur de courtes ou longues durées depuis 20 ans et qui ont permis à cette action de voir le jour et de se renforcer. Ce temps et cette implication sont inestimables, un grand merci à tou·te·s !
Pour rejoindre le groupe, contactez-nous !