Jean-Michel OLIVIER, Université Lyon I
Cet exposé présente les réflexions et les outils actuels relatifs à la restauration des milieux aquatiques.
La restauration des cours d’eau est une question politique (quelle nature voulons-nous ?) qui repose sur :
Trois éléments fondamentaux sont à considérer pour mener un projet de restauration écologique :
La réussite d’une opération de restauration passe aussi par une réflexion sur le long terme (faible coût d’entretien), une prise en compte des caractéristiques environnementales, sociales et économiques et une compatibilité avec les événements extrêmes (crues, sécheresse).
Malavoi définit 3 niveaux de restauration : absence de restauration fonctionnelle, restauration fonctionnelle de l’habitat aquatique et restauration fonctionnelle de l’ensemble de l’espace de mobilité.
La poursuite des efforts de restauration demande de s’intéresser davantage à la fonctionnalité et aux espèces. En outre, la réalisation et la diffusion de suivis pré- et post-restauration sont nécessaires.
Théo DUPERRAY, Saules et Eaux
L’écrevisse est un crustacé décapode d’eau douce dont la première paire de pattes marcheuses comporte de fortes pinces de préhension.
Petit rappel des fondamentaux de la biologie des écrevisses pour souligner l’importance de l’espèce et les critères de détermination par rapport aux espèces exotiques. Les espèces américaines sont fréquemment porteuses saines de maladies comme la peste de l’écrevisse (Aphanomycose), maladie particulièrement dangereuse pour nos écrevisses autochtones (dont l’écrevisse à pieds blancs) puisque létale à 100%. Il est donc primordial d’intégrer à nos activités aquatiques la notion de transport de pathogènes et de s’astreindre à une désinfection rigoureuse.
Exemples d’actions en faveur de l’espèce : mise en place d’ouvrages destinés à bloquer une mortalité lors d’une épidémie causée par l’Aphanomycose, translocation d’individus pour le repeuplement (à partir d’une population voisine et à partir d’une mise en élevage).
L’exposé explique les actions à privilégier (ombrage / stabilité du fond / réduction des matières en suspension…) et celles à ne pas faire (introduction consciente ou inconsciente d’espèces exotiques ou de pathogènes) afin de favoriser le maintien et/ou la reconquête de l’écrevisse à pieds blancs.
Anthony LAURENT, Syndicat Mixte ABCèze
Cet exposé présente la gestion de la ripisylve de la Cèze telle que pratiquée par le Syndicat Mixte d’Aménagement du Bassin versant de la Cèze. Cette structure porte le Contrat de Rivière (approche DCE) et 3 DOCOB (approche DHFF).
Elle doit réaliser des compromis entre l’hydrologie, l’écologie, l’hydro-morphologie et la socio-économie.
Le bassin de la Cèze subit un régime cévenol caractérisé par de forts étiages et d’importantes crues.
Suite à l’avancée des connaissances sur le transport solide et l’animation Natura 2000 (qui pointe l’intérêt du bois mort) le plan de gestion de la ripisylve a évolué.
Le syndicat et ses élus intègrent de plus en plus la préservation des écosystèmes.
Il est à noter un manque de moyens pour le suivi et l’évaluation des interventions.
Questions Cèze :
Les crues morphogènes de la Cèze permettent la mobilité des bancs (transit sédimentaire), le recours à la scarification fut inutile jusqu’à présent.
Il n’y a encore jamais eu besoin d’intervenir sur des barrages de Castors en zone urbaine, car sur le large lit de la Cèze, le Castor ne fait pas de barrages, il n’en fait que sur les affluents hors zone urbaine.
La sensibilisation des riverains est nécessaire pour que les efforts de conservation/préservation effectués soient compris et acceptés. Les techniciens n’ont pas de temps pour la sensibilisation mais l’équipe verte assure une présence de terrain.
Questions Ecrevisse :
La couleur des écrevisses dépend de la concentration en pigments. En l’absence de caroténoïdes, elles sont plutôt bleues.
Certains seuils peuvent représenter un obstacle à la progression des écrevisses invasives, cependant c’est difficile à appréhender et elles peuvent grimper sur les bryophytes ou progresser plus de 4 km à l’air libre.
Les dates d’inventaires écrevisse doivent être judicieusement choisies pour ne pas biaiser les sex-ratios en raison des périodes d’activité de chaque sexe (ponte, reproduction).
Théo DUPERAY indique que l’abreuvage ponctuel des bovins en cours d’eau n’est pas un problème contrairement à la présence continue des animaux qui viennent chercher l’ombre dans la ripisylve.
Julien BOUNIOL, FRAPNA Rhône
Les mammifères semi-aquatiques pouvant être rencontrés autour de Lyon sont le Castor d’Europe, la Loutre, le Rat musqué, le Ragondin et le Putois (non spécialisé sur les cours d’eau).
Le Castor s’éloigne peu de l’eau (à moins de 30 m) et il est peu habile en milieu terrestre. Les aménagements faits en sa faveur pourront être utilisés par les autres espèces.
Le Castor est bien installé autour de Lyon (notamment sur Miribel Jonage) et s’installe dans Lyon (3 terriers-hutte connus), mais plusieurs facteurs affectent la continuité écologique de son territoire :
La FRAPNA a contribué à mettre en place des aménagements pour améliorer la continuité écologique comme la pose de plan incliné à l’amont et à l’aval d’un barrage de Voies Navigables de France (15 000 €) et sur un canal d’amenée). Ces aménagements montrent qu’une volonté politique des concessionnaires est nécessaire ainsi qu’une gestion adaptée des extérieurs pour être accueillant à l’espèce.
L’installation d’aménagements demande de considérer plusieurs impératifs :
Mélina CHALÉAT, Syndicat Ouvèze Vive
Les études préalables du Contrat de Rivière Ouvèze, signé en 2009, ont établi un constat alarmant quant à la qualité physique de l’Ouvèze aval. En effet, ce cours d’eau est fortement incisé et la roche mère est apparente sur plusieurs kilomètres, créant des dysfonctionnements dans la dynamique de l’écosystème rivière.
Afin de répondre aux exigences de la Directive Cadre sur l’Eau et du SDAGE en améliorant l’état fonctionnel, des travaux ont été entrepris. Ceux-ci consistaient à recréer un matelas graveleux.
Du point de vue du maître d’ouvrage, la mise en œuvre de ces travaux a été rendue difficile par la complexité du contexte institutionnel, règlementaire et le cloisonnement des services de l’Etat (nombreux dossiers règlementaires notamment…).
En phase travaux, des milieux et des espèces peuvent être momentanément impactés. Mais cela ne devrait pas être un frein dans l’instruction des dossiers et la réalisation des travaux. Ces impacts devraient être mis en regard des gains environnementaux sur le moyen et le long terme permis par ces opérations ambitieuses menées dans le cadre de la Directive Cadre sur l’Eau.
Nicolas VOISIN, Syndicat Intercommunal du Bassin Versant de l’Albarine
Le syndicat de l’Albarine (SIABVA) est un Établissement Public de Coopération Intercommunal visant à gérer l’eau, les rivières et les zones humides dans un cadre cohérent. Le contrat de rivière qu’il porte présente différents volets :
L’essentiel des actions porte donc sur les stations d’épuration et les réseaux. Ces actions auront des répercussions positives sur la qualité des eaux et donc les espèces liées aux milieux aquatiques.
Les actions ciblées sur des espèces représentent 0.15% du total des sommes allouées. Elles concernent les chiroptères, les écrevisses et les amphibiens.
Le SIABVA a donc davantage vocation à améliorer les services environnementaux (régulation hydraulique, épuration, loisirs, biodiversité …) plutôt que de restaurer un fonctionnement naturel ou de protéger directement une espèce cible.
La prise en compte des espèces se fait au travers des précautions prises durant la période de réalisation des travaux. Or ces précautions demandent une connaissance de la répartition et de la biologie des espèces. Pour conduire ses missions tout en préservant la biodiversité, le SIABVA cherche donc à s’entourer des naturalistes.
Question « Espèces invasives »
L’impact des espèces invasives végétales et animales sur les écosystèmes est assez bien documenté (Jussie, Renouée, Tortue de Floride, Grenouille taureau).
En revanche, l’impact spécifique sur les corridors n’est pas connu. Bien que le Castor soit tolérant, il est probable qu’une large ripisylve de Renouée lui soit défavorable (il consomme 80 % de sa nourriture à moins de 10 m du cours d’eau).
Questions Castor
Beaucoup d’espèces protégées se sentent en sécurité dans leur « refuge », des travaux de destruction d’habitats peuvent alors conduire à de la mortalité directe.
Le Castor est extrêmement dépendant de la hauteur de la ligne d’eau (une hausse peut conduire à la désertion du terrier-hutte après ennoiement). De même, la hauteur des barrages de Castor est définitive car en rapport avec la hauteur du terrier.
Questions Aménagement de cours d’eau
Le gestionnaire des cours d’eau a d’abord une vision DCE. Lors de travaux, il doit respecter la réglementation relative à la protection des espèces (étude d’impact, d’incidence…). Ces réglementations peuvent être incohérentes, même dans le cadre de travaux de renaturation.
Une anticipation est nécessaire avant tout projet pour ne pas que surviennent des problèmes inattendus.
Avant de conduire des travaux de renaturation ciblés, il faut veiller à la bonne fonctionnalité du cours d’eau, comme laisser un espace de liberté permettant à la rivière de mobiliser des matériaux.
Jean-Michel OLIVIER, Université de Lyon I
Le programme de restauration du Haut-Rhône a pour objectif principal la restauration de 8 tronçons du Rhône jugés prioritaires avec 3 sous objectifs :
Ce programme s’accompagne d’un suivi scientifique qui a défini les objectifs, élaboré le suivi pré et post-restauration et déterminé les indicateurs.
Les interventions visent à recréer le travail de dynamique fluviale suivant 3 modalités : curage, ouverture des lônes à l’aval, ouverture à l’aval et à l’amont.
Les travaux pilotés par la CNR intègrent également du débroussaillage, du terrassement, du dragage, du remodelage et de la végétalisation. Ils agissent sur l’alimentation des lônes (fluviales ou phréatiques) et sur leur fonctionnement sédimentologique. La diversité de milieux qui en résulte est classable en 3 catégories :
La composition faunistique mesurée dans ces milieux s’avère particulièrement corrélée au niveau de connexion latéral. Ces annexes fluviales jouent un rôle très important pour le développement des jeunes poissons.
Guillaume PONSONNAILLE, Syndicat Intercommunal de Gestion de l’Alagnon
Le Syndicat de Gestion de l’Alagnon et de ses affluents couvre 1000 km² de bassin versant, 86 communes et 19 000 habitants.
Réglementairement les cours d’eau sont soumis à l’article L432-6 (les ouvrages doivent comporter des dispositifs assurant la libre circulation des poissons). Les trois-quarts d’entre eux sont en liste 1 (interdiction de créer de nouveaux obstacles à la continuité écologique).
Concernant les travaux sur les ouvrages, le SIGAL propose différents niveaux d’implication en fonction de l’existence légale de l’ouvrage, de l’intérêt du propriétaire (effort sur les débits réservés/prélevés) et de l’opportunité d’intervention :
Pour un arasement, le SIGAL prend en charge l’intégralité des coûts. L’arasement du seuil de Stalapos est un bon exemple des étapes nécessaires à la réalisation d’un projet :
Au total, 200 000 € HT de travaux, soutenu par l’Agence de l’eau, le Département, la Région, l’associatif de la pêche et la commune.
Le projet est évalué par un comptage des frayères.
La réussite du projet repose sur un large COPIL et la présence du SIGAL.
A l’avenir, l’impact social de la destruction d’un ouvrage devra être davantage pris en compte.
Question au SYGAL
Pour les actions du SYGAL :
Concernant la mise en place de la classification des cours d’eau, le SYGAL souhaite que les services de l’État avertissent les propriétaires. Des discussions sont ensuite engagées avec propriétaire, ONEMA, DDT et SYGAL, ces deux derniers doivent chacun assurer uniquement leur fonction pour rester crédible, respectivement ; réglementation et propositions d’aménagements.
Le SYGAL a défini des priorités d’intervention sur les aménagements sur des critères de qualité et de faisabilité.
L’application de la classification des cours d’eau se heurte à deux problèmes :
Question chasse du Haut-Rhône
Les chasses du Haut-Rhône n’ont pas directement posé problème sur les secteurs restaurés en raison de la mise en place de modalités de protection des lônes (fermeture des barrages de dérivations si la concentration en matière en suspensions est trop forte). Il n’y a pas eu d’assèchement des lônes à l’amont des barrages non plus.
Par contre, en cas de crue, l’absence de gestion des barrages de dérivation peut conduire à une remise en suspension des limons.
La France est parcourue par 500 000 km de cours d’eau qui présentent une grande diversité.
Elle possède aussi 70 000 ouvrages hydrauliques contribuant notamment à entraver la libre circulation des sédiments et des poissons migrateurs.
L’effacement du barrage de Maison Rouge a ainsi permis le retour de nombreuses espèces et la libération de 1 million de m3 de sédiments jusque là prisonniers. Il a aussi initié une dynamique d’effacement des obstacles à l’écoulement.
La biodiversité s’exprime davantage dans les rivières sauvages :
Cette biodiversité est l’expression du fonctionnement naturel des rivières et pas de l’interventionnisme humain. L’action de l’homme doit se limiter à restaurer les fonctionnalités.
Gilbert COCHET prône le développement d’un label sur les rivières sauvages.