Julien BIGUÉ, Directeur de l’ARRA et Véronique LE BRET, Directrice de la LPO Rhône-Alpes
Ce colloque porte sur la gestion des milieux aquatiques et la préservation de la faune associée.
La LPO et l’ARRA considèrent que ces deux thématiques sont indissociables.
En effet, les gestionnaires contribuent à l’atteinte du bon état écologique des masses d’eau (Directive Cadre sur l’Eau), des cours d’eau et des continuités écologiques (via la Trame Verte et Bleue). Ainsi, ils agissent en faveur des zones humides, des ripisylves, des frayères ou des espaces de liberté… Or, les organismes aquatiques profitent directement de ces actions.
Parallèlement, les efforts de conservation en faveur des espèces bio-indicatrices participent à l’atteinte du bon état écologique des écosystèmes aquatiques. A l’inverse, l’atteinte du bon état est parfois compromise par des espèces exotiques.
Gestionnaires et naturalistes ont longtemps travaillé indépendamment mais les approches « milieux » des premiers et « espèces » des seconds sont complémentaires. Il n’y a pas d’espèces sans milieux et la dégradation des habitats touche les espèces ordinaires et les espèces protégées (pour lesquels l’habitat est pourtant également protégé).
La préservation des espèces exige que celles-ci soient considérées dans les différentes actions des gestionnaires (diagnostic, travaux, évaluation…).
L’association Rivière Rhône-Alpes et la Ligue de Protection des Oiseaux Rhône-Alpes souhaitent que ce colloque facilite les échanges entre naturalistes et gestionnaires pour une meilleure préservation des milieux aquatiques et de la biodiversité qui les composent..
Loïc RASPAIL, Vice-président de la LPO Rhône-Alpes
Cet exposé, appuyé par de nombreux exemples, présente ce qu’est l’état de conservation, pourquoi et comment il se mesure.
Selon la Directive Habitat Faune Flore, l’état de conservation est « l’effet de l’ensemble des influences qui agissent sur une espèce et peut influencer sa répartition ou ses populations ». Les habitats sont évidemment considérés.
L’état de conservation est généralement évalué pour les espèces patrimoniales (directives, liste rouge), mais peut concerner toutes les espèces. Il s’évalue via :
Ces protocoles visent à être répétables, mais il en existe pour chaque espèce et chaque gestionnaire.
Elle repose sur l’évaluation du risque d’extinction et fait aussi appel aux critères de la précédente méthode.
La gestion des espèces doit toujours être effectuée au regard de leur état de conservation qui permet de définir les priorités d’actions. L’état de conservation des espèces bio-indicatrices révèle l’état de conservation de leur habitat.
Sébastien TEYSSIER, animateur Plan d’actions Loutre - LPO Rhône-Alpes
Le Plan National d’Actions en faveur de la Loutre (2010 – 2015) comporte 31 actions. Les deux-tiers d’entre elles sont déclinées dans le Plan Régional d’Actions rhônalpin.
Ce plan repose sur le triptyque connaissances / sensibilisation / conservation.
Volet connaissances
L’amélioration des connaissances sur la répartition est un préalable à toute action de gestion.
Un protocole de prospection standardisé ainsi qu’un protocole de récolte des épreintes ont été mis en place en Rhône-Alpes. Ils visent à caractériser l’état de conservation et la dynamique des populations.
Aujourd’hui, la répartition rhônalpine est contrastée avec une situation dynamique à l’ouest et des populations isolées et en régression à l’est. Le Rhône est un axe stratégique.
Volet conservation
La Loutre est concernée par les problématiques incontournables liées aux milieux aquatiques (dégradation des habitats, exigences en biomasse, vulnérabilité aux obstacles …). Elle est donc considérée comme espèce « parapluie ».
Le Plan régional propose différentes actions visant à améliorer l’état de conservation de la Loutre :
Volet sensibilisation
Les associations doivent contribuer à diffuser les informations relatives à la répartition et à la biologie des espèces pour favoriser leur prise en compte.
La LPO Rhône-Alpes a mis en place des stages de formation aux prospections qui s’adressent aux professionnels et bénévoles souhaitant participer au Réseau Loutre.
Hugo CAYUELA, Université Lyon 1
Le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche abrite des populations de Sonneurs à ventre jaune. Cette espèce se reproduit dans des pièces d’eau relativement instables (comme des ornières forestières), sur le PNR il occupe un habitat original : les mares cupulaires de bord de torrents.
En 2012, le PNR des Monts d’Ardèche, l’Université Lyon I et l’EPHE ont mis en place une étude sur le Sonneur pour mieux appréhender les effets des facteurs locaux sur sa répartition.
Le protocole reposait sur deux comptages à vue (à moins de 15 jours d’intervalle et par le même observateur) sur les sites à Sonneurs de 8 torrents au sein du PNR. Il intégrait aussi des données de Capture/Marquage/Recapture.
Avant de passer aux analyses, la co-linéarité des facteurs explicatifs supposés à été évaluée afin d’éviter la surestimation de certains facteurs dans les modèles.
Le meilleur modèle de restitution indique que l’abondance en adultes est positivement influencée par :
Ces conclusions pourraient avoir des implications dans le domaine de la gestion conservatoire.
Julien CORNUT, LPO Rhône-Alpes
Il existe 34 espèces de chauves-souris en France. Bien qu’elles présentent une grande diversité de modes de vie, toutes ont besoin de gîtes, de terrain de chasse et de corridors, triptyque couramment abordé dans le domaine de la conservation.
Or, les ripisylves, en raison de leur forte productivité en insectes, leur richesse en bois mort et leur rôle structurant sont à même d’assurer ce triptyque.
Plusieurs études conduites dans le Sud-Est de la France attestent d’ailleurs du rôle important des ripisylves pour les chauves-souris :
L’intérêt des chauves-souris pour la ripisylve dépend donc des espèces, de l’âge des individus, de la saison, de l’heure mais aussi évidemment de l’état de la ripisylve !
Pour assurer leur rôle vis-à-vis des chauves-souris, les ripisylves doivent donc faire l’objet d’une gestion et d’une protection adéquate.
Question ripisylve et chauve-souris
Le Syndicat Mixte de la Rivière Drôme constate que les ripisylves, malgré la mise en place de plans de gestion pointus, continuent à subir des pressions via les propriétaires riverains, avec notamment une réduction en largeur et en longueur.
La LPO Drôme indique qu’il est impossible de mesurer l’impact de ce phénomène sur les chauves-souris car leur dynamique de population répond à trop de critères.
La LPO RA et la DDT Isère insistent sur la nécessité de communication avec les propriétaires. Elles constatent que les agriculteurs continuent d’appliquer des « bandes enherbées » alors que la PAC actuelle autorise tous les « couverts environnementaux » (dont la ripisylve).
Question sur la prise en compte de la continuité écologique
Un Bureau d’Etude remarque que la continuité sédimentaire et piscicole est actuellement bien considérée dans les études d’impact, qu’en est-il de la continuité des autres compartiments faunistiques ?
Par ailleurs la notion de continuité écologique se développe, notamment au travers de la classification des cours d’eau ou de l’apparition de Contrats Corridors.
Lionel JACOB remarque qu’il faut adapter le type de franchissement aux espèces. L’entrée « Loutre » est réductrice car l’espèce a de bonnes capacités de franchissement.
Il insiste aussi sur la nécessité, pour les actions de protection (aménagement de franchissement, législation contre le piégeage) de considérer les territoires potentiels de l’espèce et pas seulement avérés !
Question sur le Sonneur
Hugo CAYUELA indique que le Sonneur a un bon pouvoir dispersif (dans les Ardennes, 2500 m de déplacements mesurés en 15 jours et flux de gènes vastes). Il souhaite étudier les flux géniques sur les ruisseaux ardéchois. Dans ces habitats de reproduction prédictible, il semble y avoir peu de déplacements entre sites.
Nicolas ROSET, ONEMA
La DCE vise le retour à un « Bon état des masses d’eau ». Or il s’agit d’une notion relative à des usages ou à des spécialités. Cette réglementation exige de définir des normes, des seuils et des indicateurs.
Le recours à des bio indicateurs permet de définir la qualité de l’eau au-delà du simple critère physico-chimique car il intègre notamment la qualité et la continuité des habitats. Il permet aussi d’évaluer les incidences des altérations sur les organismes et intègre ainsi les effets cumulatifs des facteurs de dégradation.
Il exige une bonne connaissance des espèces (leur réponse à différent types d’altération) et le choix d’un compromis dans le niveau de détermination.
Les premiers indices utilisant des bio-indicateurs reposaient sur une échelle de polluo-sensibilité (IBGN, IBD, IBMR). La DCE a introduit dans ces indices une notion d’état de référence et une approche « communauté » plutôt qu’« espèce ». Elle pose la biologie et le fonctionnement des écosystèmes comme un élément central de l’évaluation.
Présentation de différents indices :
Ce dernier indice mesure l’écart entre un modèle de référence (peuplement théorique basé sur les facteurs environnementaux) et un peuplement observé sur les points de mesure. Cet écart est mesuré pour plusieurs métriques (nombre d’espèces rhéophiles et litophiles, densité d’individus tolérants, densités d’individus insectivores, densité de carnivores, nombre total d’espèce et densité totale).
Jean-Luc GROSSI, responsable volet Amphibiens – CEN Isère
Face à la disparité des protocoles de suivis, aux exigences d’évaluations propres aux Directives (Eau, Oiseaux, Habitats) et au manque de moyens par rapport aux objectifs des suivis, le réseau des conservatoires de Rhône-Alpes a souhaité mettre en place une boite à outils pour l’évaluation et le suivi des zones humides : RhôMéO - Rhône Méditerranée Observatoire.
RhôMéo souhaite proposer des protocoles et des indices simples (relatifs aux amphibiens, libellules, papillons, à la flore, aux aspects hydro- et pédologiques), nécessitant un faible effort de prospection, pour évaluer le bon état de toutes les zones humides.
Le projet est ensuite rejoint par d’autres conservatoires (en Bourgogne, Franche-Comté, PACA et Languedoc).
RhoMéO repose sur trois axes :
Marc CHATELAIN, DREAL Rhône-Alpes et Amélie MIQUEAU, Agence d’Urbanisme de la Région Grenobloise
Le présent exposé présente la méthodologie nationale et régionale d’élaboration du SRCE ainsi que les difficultés rencontrées et les améliorations escomptées.
Le SRCE est un outil d’aménagement durable du territoire introduit par la Loi Grenelle. Il définit des réservoirs de biodiversité, des corridors et une trame bleue qui doivent être pris en compte par les documents de planifications nationaux et locaux ou d’autres documents (classement des cours d’eau…)
Il s’appuie notamment sur la présence d’espèces dites « Trames Verte et Bleue » :
En Rhône-Alpes, 87 espèces ont été définies, dont 32 inféodées aux milieux aquatiques ou humides. Leur niveau de connaissance est très disparate.
Ces espèces sont considérées de différentes manières dans le SRCE, via :
Le SRCE peut être considéré a son échelle (1/100 000ème) pour les grands axes de déplacement ou décliné à une échelle plus petite (SCOT au 1/25 000 ou PLU au 1/5 000).
Questions SRCE
La FRAPNA Loire s’interroge sur les moyens disponibles pour étudier les espèces dans le cadre du SRCE ou de Natura 2000.
La DREAL RA déplore les restrictions budgétaires et remarque que même les moyens alloués aux PNA (pourtant espèces prioritaires) sont réduits. Elle indique également que l’Administration a des difficultés pour mobiliser les données qui existent chez les associations.
Elle ajoute que même si elles sont complexes à récolter, les données d’espèces sont indispensables, car il s’agit de « preuves objectives » pour l’instruction des dossiers.
La LPO RA réitère sa volonté d’être animatrice d’un pôle Faune, qu’elle juge nécessaire pour faciliter la transmission de données.
Question indicateurs
Existe-t-il des indicateurs qui intègrent l’ensemble de la faune ?
Jean-Luc GROSSI indique que chaque indicateur fonctionne pour une certaine échelle de perception. Nicolas ROSET ajoute que l’indicateur intégrateur absolu n’existe pas car la biologie est complexe et les facteurs de perturbation nombreux. Il faut donc avoir recours à plusieurs indicateurs, révélateur chacun de facteurs particuliers.